Musique sacrée au féminin en ouverture du Festival Palazzetto Bru Zane Paris
Ce concert replonge dans une période de redécouverte et revivification d’un répertoire sacré, celui de motets – genre essentiellement polyphonique destiné au culte – en cette fin du XIXe siècle marquée de conflits au sujets des rapports à entretenir ou à séparer entre politique et religion (ce qui mènera à la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État). Nombre de pédagogues et compositeurs (face aussi à un fort anticléricalisme) encouragent la formation de maîtres de chapelle et organistes, ainsi que la (re)création d’écoles dont la fameuse Schola Cantorum de Paris entraînant avec elle la redécouverte de ce répertoire par des compositeurs et des compositrices.
Le Chœur de Radio France est bien évidemment très sollicité pour ce 8ème Chorus Line de la saison. Sous la direction ample et très active de Christophe Grapperon, apportant un soin tout particulier aux phrasés vocaux, les artistes du chœur réunis soignent, quoiqu’en nombre, la qualité de la diction commune et la pâte sonore d’ensemble. La finesse des nuances est saisissante, dans la tendresse comme la puissance, avec souplesse, pour servir la musique de Saint-Saëns, ou Fernand de la Tombelle notamment.
Les parties solistes sont assurées par un quatuor non moins remarqué, à commencer par la soprano Judith van Wanroij. Malgré des graves un peu éteints et des passages accompagnés de changements de nuances, son aisance lumineuse des registres aigus se marie bien lors des trios ou duos, comme avec la voix noble et profonde de Thomas Dolié dans l’Agnus Dei de Léo Delibes. Le baryton convainc également par la finesse de sa conduite vocale, capable de tendresse bien que le grain de son timbre en impose. Le ténor Cyrille Dubois démontre son aisance dans le répertoire français, par une prononciation savourée de chaque mot, très intelligible, tout en gardant une cohérence globale de sa ligne vocale, sûre et élégante. C’est ainsi qu’il défend le Cantique de Jean Racine composé par Mel Bonis (injustement méconnue). Enfin, la mezzo-soprano Isabelle Druet séduit par sa grande sensibilité d’interprétation, néanmoins d’apparence naturelle, comme dans sa supplique du Kyrie de Clémence de Grandval ou son touchant Ave verum de Théodore Dubois.
Pour accompagner le chœur et les solistes chanteurs, un petit effectif de jeunes instrumentistes solistes démontrent eux aussi leur talent. Le violoncelliste Victor Julien-Laferrière déploie notamment l’Andante religioso d’Henriette Renié avec une conduite respirante finement nuancée, accompagnement émouvant à la méditation. Il est soutenu par la harpiste Anaïs Gaudemard, très attentive et très constante dans son jeu, solide et pourtant souple et toujours à propos. Lucile Dollat, organiste en résidence à Radio France, se montre sensible aux multiples couleurs de son instrument pour porter ce répertoire romantique, avec un toucher ferme et conduit avec équilibre et maîtrise. La violoniste Manon Galy marque par sa présence sonore, même en tutti, tout en préservant une jolie délicatesse de jeu et de timbre. Le tout sans oublier le contrebassiste Yann Dubost qui, bien que n’ayant pas d’intervention en solo, soutient le petit effectif avec efficience.
Si toutes les œuvres du programme ne se valent pas, le public se montre ravi d’avoir découvert de très belles pages de plumes connues et d’autres beaucoup moins, et d’avoir pu apprécier la qualité d’œuvres de compositrices délaissées quoique reconnues en leurs temps de leurs pairs. Des œuvres caractéristiques d’une époque qui retrouve un nouveau sens et un nouvel intérêt aujourd’hui grâce aux artistes et au travail du Palazzetto Bru Zane qui lance ainsi son 10ème Festival dans la Capitale et en lettre capitale.
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L'heure a sonné ! Venez découvrir la 10e édition du Festival Palazzetto Bru Zane Paris à l'Auditorium de Radio France et au @TCEOPERA ! https://t.co/fyvZeGpEZX#festivalpbzparis pic.twitter.com/r79LBC24cp
— Palazzetto Bru Zane (@BruZane) 19 juin 2023