Talentueux concert des lauréats du Concours de chant Reine Elisabeth
Les résultats du concours annoncés il y a peu, les festivités se poursuivent avec ce point d’orgue exaltant cette année le chant (ce concours alterne chant, piano, violon et violoncelle) en compagnie de l’Orchestre Symphonique de l’Opéra Ballet de Flandre sous la direction d’Alejo Pérez qui s’accordent à l’énergie des solistes avec précision et luminosité, sachant enrober et révéler les voix avec un accord complice.
Cette célébration sous le haut patronage de Sa Majesté la Reine Mathilde met en valeur un riche patrimoine musical autour des opus de Verdi, Rossini (surtout), Meyerbeer, Massenet, Mozart, Edward Elgar ou encore Korngold et Richard Garnett.
Cinquième prix du concours, Inho Jeong ouvre la cérémonie sur l’air de Verdi “Studia il passo - Come dal Ciel precipita” (rôle de Banco dans Macbeth), plongeant l’auditoire dans une écoute concentrée. La voix de la basse est tenue avec humilité, retenue et vibrante suivant la construction lente et progressive de l’aria. Plus puissant et véloce, dans l’air de la calomnie (Don Basilio dans Le Barbier de Séville de Rossini) le chanteur coréen déploie son expressivité avec une aisance véloce. Le souffle est tenu avec maitrise, le jeu théâtral à l’égal de la voix.
Juliette Mey, détentrice du 6ème prix démontre une technique vocale redoutable au service des arias “Nacqui all'affanno e al pianto” (La Cenerentola de Rossini) et “Nobles Seigneurs, salut !” (Urbain dans Les Huguenots de Meyerbeer). Déjà reconnue par Génération Opéra, l’Académie du Festival d’Aix et le Jardin des voix, la mezzo-soprano définit sa voix avec une extrême précision : tenue dans les hauteurs vibrées à l'agilité baroquisante, comme dans la justesse et l’endurance de mise pour déployer sa lumière vocale.
Floriane Hasler marque également ses interprétations par une grande expressivité. La voix argentée et puissante de la mezzo-soprano française impose davantage encore l’incarnation de la gravité, de la puissance en Charlotte de Werther : “Va ! Laisse couler mes larmes”. Sa voix placée dans un espace sombre et intime, s’ouvre ensuite pour “Cruda sorte – Qua ci vuol disinvoltura” (Isabella dans L'Italienne à Alger de Rossini décidément à l’honneur) : plus puissante, plus brillante d’aigus modelés et francs.
Premier Prix du concours, Taehan Kim est mis à l’honneur à travers trois arias en solo et un duo en compagnie de la lauréate du troisième prix, Julia Muzychenko-Greenhalgh. Taehan Kim témoigne d’une grande compréhension psychologique des rôles qu’il interprète. C’est avec une certaine volupté, retenue et douceur que la ligne vocale concocte “Ce breuvage pourrait me donner un tel rêve - Vision fugitive” (Hérode dans Hérodiade de Massenet). Outre sa belle maîtrise du français, le chanteur réussit à suspendre le temps et l’attention du public, également dans ses autres morceaux (“Carlos écoute - Ah, je meurs” du Rodrigue de Verdi ainsi que pour “Mein Sehnen, Mein Wähnen”, de Fritz dans La Ville morte de Korngold).
Julia Muzychenko-Greenhalgh (troisième prix) réussit à s’attirer les ovations du public suite à l’interprétation du redoutable “Sempre libera” de La Traviata de Verdi. La partition demande une endurance et une extrême souplesse vocale. La voix de la soprano ruisselle de maîtrise et d’une redoutable capacité transformative. Le duo de Donizetti (“Pronto io son” dans Don Pasquale) marque aussi une grande complicité entre le premier et troisième prix, tous deux se prenant au jeu de Norina et du Dr. Malatesta, pleins de répondants. Mais malheureusement, le public est privé en dernière minute du “Duo des fleurs” (Mallika et Lakmé de Delibes) en compagnie de la contralto Jasmin White.
Jasmin White offre une performance justifiant sa deuxième place, avec une grande expressivité émotionnelle. La voix ronde et boisée de l’interprète offre au public un “Where Corals Lie” (Sea Pictures de Richard Garnett) entre parenthèse intime et concentrée. Ses graves profonds et retenus assurent une interprétation très ressentie avant un choix plus classique, quoique, de Rossini en tout cas (“Ah! quel giorno”, d’Arsace dans Semiramide) permettant à Jasmin White de marquer une certaine puissance et vélocité.
Le concours de la Reine Elisabeth s’achève ainsi devant un public exalté, qui aura souligné le talent des six finalistes par une très longue ovation debout, sous le regard bienveillant de la Reine Mathilde. Ce concert sera retransmis sur des médias belges et certains chanteurs poursuivent une tournée à travers le pays.