Adèle Charvet et Le Consort, Antonio Vivaldi et ses confrères à Radio France
Le Consort fondé en 2015 élit résidence à l’Auditorium de Radio France pour un week-end consacré à Vivaldi. Trois concerts lui sont dédiés et le deuxième volet, Il Teatro Sant’Angelo, présente des œuvres vocales du maître italien tout en évoquant le théâtre vénitien qui a vu la création de plusieurs de ses opéras (inutile de le chercher dans la Sérénissime, il est devenu un hôtel 4 étoiles nous précise avec malice le violoniste Théotime Langlois de Swarte). Ce bain vénitien est également soutenu par la programmation d’extraits d’œuvres de compositeurs moins renommés que Vivaldi (Giovanni Alberto Ristori, Fortunato Chelleri, Michelangelo Gasparini), en lien cependant avec ce lieu.
L’Ensemble Le Consort (à l’origine quatre jeunes talents désireux de faire découvrir le répertoire de la sonate en trio) amplifie ses effectifs (onze cordes et un clavecin) et, rejoint par la mezzo-soprano Adèle Charvet, dévoile des trésors musicaux encore inédits parmi des « tubes » vivaldiens. Le programme est construit à l’instar des sonates et concertos du compositeur et présente les œuvres dans une alternance d’Allegro et d’Adagio, comme de pièces instrumentales et d’extraits d’opéra.
L’ambiance décontractée et joyeuse de faire de la musique entre ami(e)s est instaurée d’emblée et la soirée commence dans le rire : Justin Taylor demande au public de l’excuser pour sa tenue (un pantalon noir pas tout à fait à sa taille) car il a oublié son pantalon de concert.
Le rire laisse rapidement place au sérieux et à l’engagement sans retenue des artistes, et ce, dès l’ouverture de L'Olimpiade qui révèle la virtuosité et l’expressivité de la musique du maître. L’ensemble parvient à un équilibre entre la rigueur rythmique et la liberté du phrasé. Les cordes déploient les arches des phrases, du pianissimo imperceptible au développement généreux et l’énergie rythmique des allegro est obtenue tout en préservant l’homogénéité et la rondeur du son.
Bien que composé uniquement de cordes, les couleurs de l’ensemble varient subtilement selon les modes de jeux adoptés et les pizzicati des cordes et le jeu de luth du clavecin évoquent Venise, les gondoles et la mandoline ("Il mio crudele amor" de Gasparini) tandis que les cordes graves sonnent tel un glas dans le glaçant air de Farnace ("Gelido in ogni vena" - je gèle dans mes veines).
« L’instrument peut tout aussi bien nous émouvoir que la voix humaine » rappelle Christophe Dilys dans le programme de salle. C’est ce que réalise Théotime Langlois de Swarte avec son violon. Les coups d’archet délicats, le son velouté et la liberté dans le phrasé (il s’autorise des fluctuations à l’intérieur des phrases dans un but d’expressivité) transmettent l’émotion de la musique.
Adèle Charvet rejoint Le Consort avec lequel elle entretient un lien étroit, ils ont ainsi enregistré ce programme et le concert est le lancement de leur album Teatro Sant’Angelo. La mezzo-soprano se présente avec l’air de bravoure de L'Olimpiade ("Siam navi") dans lequel elle évoque les vicissitudes de l’amour avec une assurance non troublée. Le timbre chaleureux se décline dans une homogénéité sur toute la tessiture, homogénéité préservée au cours des guirlandes de vocalises. L’intensité est à son apogée dans l’air de La fida ninfa au cours duquel l’âme oppressée se débat dans une virtuosité redoutable, la chanteuse sollicitant l’extrémité de ses registres dans une intensité permanente. Les notes graves sont exclamées en voix de poitrine soutenue tel un cri désespéré, et c’est cependant dans l’aigu que la voix brille et se nuance subtilement. À côté de l’exubérance dramatique, Adèle Charvet parvient à rendre toute la suavité de la plainte de Cleonice (dramma per musica de Giovanni Alberto Ristori) sur un fil de voix, l’économie de moyen s’alliant à une richesse émotionnelle. Le calme après la tempête se révèle dans les phrasés délicats et apaisés qu’elle mêle à ceux du violon ("Sovente il sole risplende in cielo" air d’Andromeda liberata de Vivaldi).
Les artistes offrent deux bis au public enthousiaste: le célèbre "Lascia ch’io pianga" extrait du Rinaldo de Haendel (présenté avec facétie comme une pièce trouvée il y a peu de temps dans une petite bibliothèque) et la reprise du Da Capo de l’air de La fida ninfa, achevant le concert dans une fougue réjouissante.
Le public pourra retrouver l’émotion du concert lors de sa diffusion le mardi 13 juin à 20h sur France Musique via le lecteur ci-dessous :