Lea Desandre, Amazone furieuse et sensible avec Jupiter au Festival de Saint-Denis
Sous le portrait et le regard impérial de Napoléon, fondateur de cette institution faite pour accueillir les filles des décorés de la Légion d'Honneur qu'il institua également, la salle de spectacle du pavillon de musique de la maison d’éducation de la Légion d’Honneur de Saint-Denis est aussi impressionnante qu’elle invite à une certaine intimité. Qualité qui offre cette après-midi, en ouverture du Festival de Saint-Denis après un concert participatif, l’occasion d’apprécier la mezzo-soprano Lea Desandre avec l’Ensemble Jupiter dirigé par le luthiste Thomas Dunford. C’est d’ailleurs dans cette même salle que l’ensemble présenta son tout premier concert, déjà avec la mezzo, en 2018 (notre compte-rendu).
Le programme de ce récital mêle musiques italienne et française autour de la figure guerrière de l’amazone. Parce que femme libre, elle regorge de sentiments les plus intenses, de la plainte profonde à l’expression la plus joyeuse. La figure de l’amazone ne manque pas dans le répertoire baroque mais c’est néanmoins l’occasion de faire entendre des œuvres de compositeurs peu connus, tels Francesco Provenzale ou Georg Caspar Schürmann. C’est avec une grande sensibilité et un investissement très apprécié que Lea Desandre défend son programme. Dans sa charmante robe de tulle parme, la mezzo-soprano déploie un timbre soyeux qu’elle nuance en fonction de son texte. Celui-ci, particulièrement soigné dans l’italien comme le français, est porté par un soutien de phrasé modelé et modèle, constant et réfléchi avec finesse.
Les jeunes musiciens de l’Ensemble Jupiter sont des accompagnateurs de choix, très complices de gestes musicaux et de regards. Bien que dotés d'identités expressives, ils créent une pâte sonore homogène qui présente des interprétations enlevées ou tendres, voire les deux à la fois. Thomas Dunford offre une plainte soliste, sans lâcher des yeux la chanteuse pour la Suite en sol mineur de Marin Marais. Déclaration musicale si intense qu’une corde du luth se brise soudainement (la chaleur des spots étant la véritable source de l’incident), forçant à avancer l’entracte, le temps de changer la corde sensible.
C’est sans se faire prier, et avec un plaisir grandement partagé avec le public applaudissant chaleureusement, que les artistes prolongent la thématique en la reliant avec la protection de la planète Terre et du vivant, vers pas moins de quatre bis dont deux compositions de Thomas Dunford lui-même, tel Amazones, sur un texte d'Erik Orsenna, hymne tout aussi engagé que le programme du jour.