Paroles de femmes avec Natalie Dessay et Philippe Cassard au Festival Angers Pianopolis
En ce week-end de l’Ascension, le piano est à l’honneur à Angers à l’occasion de la toute première édition du Festival Angers Pianopolis. Créé sur l’initiative de Nicolas Dufetel, musicologue et adjoint à la culture et au patrimoine d’Angers, ce nouveau rendez-vous fait entendre le piano, et plus largement le clavier, dans toutes ses dimensions, allant du répertoire baroque au jazz. Le grand Grenier Saint-Jean, avec son imposante charpente visible, accueille le public venu nombreux pour entendre la chanteuse Natalie Dessay, accompagnée du pianiste Philippe Cassard. Avec un engagement certain, la soprano propose son programme « Paroles de femmes » qui se décompose en deux parties distinctes : la première se veut faire renaître des Lieder de trois femmes écartées de leur passion pour la composition, Fanny Hensel-Mendelssohn, Clara Schumann et Alma Mahler ; la seconde partie est l’occasion de faire entendre les voix de femmes du répertoire lyrique français. L’occasion pour la chanteuse de citer le titre de l’ouvrage écrit par Catherine Clément, L’Opéra ou la défaite des femmes, et d’ainsi marquer son engagement pour un regard renouvelé sur la place de la femme dans le répertoire lyrique.
Sûre de sa présence et de ses talents de comédienne, usant de son expressivité avec retenue et goût, Natalie Dessay sait séduire son auditoire par sa gestuelle et ses regards. Ses intentions, le plus souvent très douces, sont patentes. Sa voix reste le plus souvent dans une nuance piano voire pianissimo, ne perdant jamais en présence et en clarté de timbre. Celui-ci n’est pas toujours très homogène, sa légèreté gagnant en largesse et en lyrisme dans des aigus soutenus par un vibrato très présent. C’est néanmoins le texte auquel est donnée la priorité. Malgré un soudain trou de mémoire, les Lieder d'Alma Mahler sont particulièrement appréciés, la soprano se faisant conteuse.
C’est également son amour de la scène et de l’expressivité qui charme lors des mélodies françaises, jouant de sa palette de timbre jusqu’au parler dans La Dame de Monte-Carlo de Poulenc sur un texte de Jean Cocteau. Elle y fait d’ailleurs entendre une longue note finale, légèrement âpre mais qui, par sa malice, ne manque pas d’amuser et de ravir le public. Malgré une voix dont la fragilité commence à se faire ressentir, par un vibrato plus large encore et des lignes vocales moins constantes, l’affect de son interprétation rend sensible le public qui exprime son enchantement après l’air de Chimène « Pleurez mes yeux » extrait du Cid de Massenet.
La chanteuse peut compter sur l’accompagnement de Philippe Cassard, musicien attentif donc la subtilité des couleurs persiste bien qu’il sache s’effacer pour laisser toute la place à la voix. Ces grandes et essentielles qualités sont un peu moins appréciables lorsque le pianiste joue seul, là où une sorte d’élan romantique aurait pu être appréciée.
Pour remercier les applaudissements du public dont une partie s’est levée, Natalie Dessay offre « Porgi amor » des Noces de Figaro, étonnant bis qui manque malheureusement de flamboyance, sans pour autant décevoir un public conquis par la personnalité lumineuse de l’artiste.