Dixit Dominus : Jubilations vocales à Sainte-Anne-d’Auray
L’ensemble vocal à voix mixtes du lycée Sainte-Anne-d'Auray ici à l'œuvre est constitué de lycéens ayant choisi une option musique de 6 heures (4h de chant choral et 2h de formation musicale), faisant suite à la Maîtrise au collège et la Pré-maîtrise en classes primaires. Ce parcours « chant choral » en milieu rural proposé par l’Académie de Musique et d’Arts Sacrés s’est vu récompensé par le prix Liliane Bettencourt en 2021. Plusieurs jeunes chanteurs issus de ce parcours ont poursuivi des études musicales de niveau supérieur en intégrant, par exemple, l’Académie Jaroussky (Evann Loget-Raymond, Anne-Sophie Petit), ou en menant des carrières de soliste (Ambroisine Bré).
Ce qui surprend en tout premier, c’est l’aisance avec laquelle l’ensemble restitue cette partition composée par le jeune Haendel à Rome alors qu’il découvrait, émerveillé, l’Italie. Les voix sont homogènes, les échanges entre les cinq pupitres (avec deux pupitres de sopranos) bien équilibrés, les pupitres d’hommes (ou plutôt de jeunes hommes) ne manquent pas de relief. Le résultat est celui d’un travail de longue haleine s’échelonnant sur plusieurs années : la clarté du discours dans le déploiement de la luxurieuse polyphonie est la preuve d’acquis solides. Les départs sont précis, les mouvements en fugato d’une grande fluidité et la prosodie compréhensible d’un bout à l’autre, comme dans le verset « tu es sacerdos in aeternum » où l’accumulation des voix résultant des entrées de la fugue traduit clairement l’idée d’éternité.
La justesse est toujours parfaite, les aigus jamais criards ni dominants, les couleurs des voix se fondent, chacun à l’écoute des autres même si l’acoustique de la Basilique ne permet pas de toujours bien percevoir la diversité des attaques et des nuances, un peu trop diluées par l’immensité du lieu.
C’est surtout dans les derniers versets que le chœur s’affirme pleinement à travers une rhétorique baroque maîtrisée pour une apothéose dans le Gloria final où les vocalises fusent de tout côté. Sans relâchement aucun dans le discours, les yeux restent agrippés aux gestes précis du chef de chœur. Les notes répétées, voire martelées associées aux harmonies percutantes de l’orchestre traduisent la puissance divine comme l’expression tendre est créée par un tapis de dissonances jouées aux cordes tout doucement, sur lequel plane le duo des voix de soprano se frottant, s’enlaçant ou s’étirant.
Parmi les voix de solistes issues du chœur, celle d’Anaèle Descamps, légère, pure, aux aigus lumineux, se mélange aux mediums plus timbrés de Guillemette Loubert. De sa voix claire légèrement vibrée, celle-ci met également en évidence en soliste des bases de chant lyrique avec soutien sur les notes tenues, sens du phrasé, articulation soignée.
La voix de la jeune Galane Le Guennec décroche sous l'effet de l'impression provoquée par cette exigeante mise en avant vocale, notamment dans les graves, mais les vocalises sont précises et les aigus légèrement vibrés ne demandent qu’à s’épanouir. Tout comme l’ensemble de ses camarades, elle fait preuve d’un bel investissement. Les petites interventions en solo du ténor et de la basse sont chantées par deux professeurs dans un souci de cohésion, les voix des jeunes garçons étant encore trop fragiles pour les assurer avec suffisamment de puissance.
Placé sous la direction de leur chef Gilles Gérard, l’ensemble vocal réunit ainsi la jeunesse et la fraîcheur de leur timbre pour une interprétation qui préserve toute l’intensité expressive de l’œuvre, jouant sur les contrastes d’effectifs, d’écriture, de texture, perceptibles dès l’introduction instrumentale et l’entrée du chœur.
L’ensemble instrumental constitué de dix musiciens sous la conduite de la violoniste Fiona-Emilie Poupard fait preuve d’une belle symbiose dès l’introduction en affirmant un tempo alerte et une phrase musicale chantante, contribuant ainsi par leur élan à guider le chœur vers un départ réussi puis devenant un soutien essentiel tout au long de l’œuvre. L’enthousiasme vient cependant desservir les voix des deux jeunes solistes, un peu recouvertes par trop de puissance. Heureusement, l’équilibre se fait par la suite avec des nuances plus subtiles, un jeu instrumental adapté dans le duo et aussi un continuo plus diversifié.
Afin de compléter le programme en accord avec la thématique liée à l'Europe baroque, l’organiste de l’ensemble instrumental, Michel Jézo, interprète un concerto (en la mineur) de Jean-Sébastien Bach : tout comme Haendel, Bach a été influencé par l’Italie et a transcrit plusieurs concertos de Vivaldi, dont celui-ci.
Le public venu en grand nombre applaudit chaleureusement, impressionné par la prestation de ces jeunes musiciens dont la plupart ne sont encore que des apprentis (ou en phase d’apprentissage, ou des élèves).
En bis, afin de partir apaisés après tant de joie et d’enthousiasme, le chef propose l’Ave verum de Mozart.