Le Chanteur de Mexiiiico étincelle à l'Odéon de Marseille
Les librettistes Félix Gandera et Raymond Vincy invitent les spectateurs à un somptueux et rocambolesque voyage, du Pays Basque (Saint-Jean de-Luz), à Paris et enfin au Mexique (Acapulco, Mexico) entre quiproquos et sosies.
La nouvelle mise en scène de Carole Clin s'inscrit pleinement dans cet esprit dynamique et léger, avec une touche de modernité et une grande dose d’humour. Cinq intermèdes dansés nourrissent cet élan dans des lieux et costumes typiques, dès l'ouverture du rideau avec sa foule en costumes basques, rouge et blanc, qui danse et chante joyeusement.
Plus tard, dans le palais mexicain, cinq danseurs en costumes noirs pailletés déploient un flamenco envoûtant avec battements de pieds et claquements de doigts, suivant une chorégraphie de Felipe Calvarro.
Pour les décors, une douzaine de photos projetées sur l’écran de fond de scène permet de suivre le périple des protagonistes, commençant par une carte postale de Saint-Jean-de-Luz, sans oublier ni Paris et sa tour Eiffel, ni la mer dans la baie d’Acapulco et pour terminer, un énorme chapeau mexicain symbolique.
Quelques objets usuels occupent l’espace au gré des différentes aventures : une charrette de marchand des quatre saisons, un lit et un porte manteau dans la chambre de Cri-Cri (indispensables pour le comique de situation), deux valises et un poteau de torture dans le repaire de Zapata.
Les costumes, nombreux et variés, correspondent aux différentes intrigues et aux lieux géographiques, jusqu'à la tenue de traversée du désert d'Eva, très éloignée de sa robe rouge élégante de citadine.
Les différents ressorts comiques apportent de la légèreté et déclenchent les rires des spectateurs. L’agent secret Jean OSS 187 désire rester incognito (raison pour laquelle, sans doute, il a changé de numéro). Cri-Cri parcourt la salle de l’Odéon en chantant “Le dimanche matin”, provoquant les rires du public. Elle saute aussi sur les épaules de Bilou, pour une longue traversée du désert mexicain (le duo chante alors "un kilomètre à pieds, ça use, ça use…" scandé par les battements de mains des spectateurs).
Juan Carlos Echeverry incarne le rôle-titre, nommé Vincent Etchebar, chanteur séducteur, amoureux de la cantatrice parisienne Eva, il devient ami avec Bilou, qui convoite Cri-Cri la "poulbote". Après avoir gagné un concours de chant au Moulin de la Galette, tout ce beau monde part en tournée au Mexique. Mais nos héros sont menacés par le terrible Zapata. Heureusement, ce dangereux voyage termine dans la joie et l'amour. Le soliste offre au chanteur de Mexico sa voix timbrée, nuancée, parfois agrémentée d’un léger vibrato (Rossignol de mes amours). Les notes longues sont soutenues, les passages rythmés dynamiques, le texte nettement articulé (mais le médium manque cependant parfois d’ampleur). Le passage en voix de tête pour : Mexico, Mexi-iiiico est particulièrement habile et mélodieux.
Julie Morgane interprète une Cri-Cri dynamique, comédienne pleine d’humour, avec un imperceptible accent “parigot” et des talents de danseuse remarqués. Sa voix haut placée n'empêche nullement une compréhension parfaite des paroles.
Laurence Janot incarne Eva, élégante cantatrice parisienne. Sa voix de soprano souple, au médium timbré et aux aigus soutenus jusqu’à des nuances pianissimo subtiles, possède une palette sonore complète, permettant d’enrichir les tutti du chœur avec des aigus brillants et aériens en particulier dans le finale.
Le rôle du terrible Zapata échoit à Gilen Goicoechea, qui apparaît dans les fumées de son antre mexicain. Il affirme son autorité d’une voix de baryton-basse solaire, puissante et cuivrée, aux graves amples.
Bilou, incarné par Fabrice Todaro rêve (sans succès) de conquérir Eva ou Cri-Cri avec sa voix timbrée et souple. Les irrésistibles Simone Burles (Terrible Tornada), Jean-Luc Epitalon (Miguelito), Antoine Bonelli (Bidache), Michel Delfaud et Jean Goltier, personnages truculents, souvent comiques, animent l’opérette avec leur jeu d’acteur efficace aux paroles intelligibles, participant aux chœurs et à certains passages dansés.
Bruno Membrey dirige l’Orchestre de l’Odéon avec efficacité, alternant les nombreux passages rythmiques où les percussions, en particulier la caisse claire, donnent un tempo immuable, souvent rapide, les rubati (souplesses rythmiques) concernant les passages expressifs.
La clarinette, les cordes veloutées et le piano accompagnent Cri-Cri dans “Ça m’fait quelque chose”. La flûte traversière symbolise l'oiseau siffleur dans “Rossignol de mes amours”.
Le Chœur Phocéen, d’une justesse irréprochable, préparé par Rémy Litolff, suit la baguette du chef avec précision, tout particulièrement dans un passage accelerando, en réponse au terrible Zapata. Le texte est toujours compréhensible.
Le finale est introduit par un ballet, scandé aux tambourins à cymbalettes, avant que les artistes réunis, chantent et dansent toutes et tous dans une parfaite synchronisation.
Le public enthousiaste est invité à frapper un rythme précis et à chanter Mexico, Mexi-iiiico. La salle pleine est baignée dans une euphorie collective.
Les artistes sont ovationnés… le finale est rejoué plusieurs fois, jusqu’au tomber de rideau.
Les spectateurs joyeux sortent alors, accompagnés par l'ultime intervention rythmée de l’orchestre.