Passion selon Saint-Matthieu avec Talens Lyriques à la Philharmonie
L’illustre ténor britannique Ian Bostridge assure le rôle de l’Evangéliste, rôle de narrateur relatant la parole biblique, et occupant ainsi une place centrale dans l’œuvre. Le ténor se montre extrêmement habité par l’interprétation de l’œuvre, avec son visage très expressif, étonnamment mobile au fil du chant. Même lorsqu’il n’est pas sollicité, il semble toujours sur le qui-vive, comme bouleversé par l'histoire depuis son siège. Quant au chant, il n’est pas en reste, égrenant les péripéties bibliques avec véhémence, servi par un allemand bien maitrisé. L’émission est puissante, la voix d’airain du chanteur maintenant sa force dans les notes aiguës, soutenues avec aisance.
Le Christ est chanté par Benjamin Appl, la vox christi étant représentée par une tessiture grave dans la tradition religieuse et musicale de l’époque. Le baryton possède un timbre plutôt clair pour sa tessiture, exprimant la souffrance christique sans affectations. Si la voix pourrait parfois gagner en épaisseur sur quelques passages, l’interprète réalise une performance impliquée et efficace, avec une réelle musicalité.
Les deux principales solistes féminines sont Anna El-Khashem pour les parties soprano et Mari Askvik pour les parties altos (ces solos ne correspondent à aucun « rôle » en particulier, à l’exception d’une brève partie correspondant à la femme de Pilate pour la soprano). La première possède une voix légère et flûtée, à la fois expressive et précise techniquement. La seconde a un timbre chaud, à résonances plaintives, qui tend à s’éclaircir dans l’aigu de la voix.
Autre soliste sans « rôle » associé, le ténor James Way fait preuve dans ses parties d’une grande facilité à accéder aux aigus de sa tessiture, sonores et généreux. Le timbre est tintant, et la voix se déploie avec légèreté à travers l’étendue de son ambitus. Ultime soliste de la distribution, le baryton-basse Thilo Dahlmann chante le triple rôle de Judas, Pierre et Pilate. Il se montre particulièrement engagé dans son interprétation, habité jusque dans sa posture scénique par la dimension pathétique du rôle, ainsi que dans sa caractérisation vocale du traître biblique, sa voix sombre et charnue prenant des accents nasaux dans certains passages plus véhéments.
Les Talens Lyriques offrent une lecture recueillie et sobre de cette Passion, tout en lui insufflant la dynamique nécessaire, la direction de Christophe Rousset, veillant à mettre en exergue la richesse dramatique de l’oratorio de Bach, développant l’intrigue biblique avec intelligence. Le Chœur de Chambre de Namur dirigé par Thibaut Lenaerts, se montre lui-aussi pleinement à l’aise dans ce répertoire, les ensembles étant bien équilibrés, sans excès de puissance pour laisser la grâce s’installer.
Le public réserve un accueil chaleureux à l’œuvre et à ses interprètes, applaudissant longuement.