La Fille du Régiment entre fanfares et demi-teintes au TCE
Opéra-Comique patriotique parsemé d’accents militaires, La Fille du Régiment de Donizetti se présente avant tout comme un ouvrage lyrique léger, belcantiste d’essence et pétillant. Faire appel à l’Orchestre de la Garde Républicaine, en grand uniforme, semble ainsi une excellente idée mais il est vrai que cette phalange, malgré toutes ses qualités d’ensemble et placée sous la baguette toujours enthousiaste et large d’Hervé Niquet, apparaît peu familière de ce style de musique. L’ouverture quelque peu pesante révèle des difficultés de restitution au niveau des cuivres et s’éloigne de l’esprit fringant ici attendu. Cette tendance qui perdure au premier acte s’atténue au deuxième, plus globalement en place, plus avisé. Bien entendu, les morceaux martiaux et le fameux « rantanplan » qui résonne à plusieurs moments de la partition (et qui inspira Verdi pour La Force du destin), leur conviennent mieux. Dans les moments où la tendresse et la mélancolie dominent -air de Marie au 1er acte “Il faut partir” ou celui de Tonio au 2ème acte “Pour me rapprocher de Marie”-, Hervé Niquet parvient à insuffler à l’orchestre des couleurs plus subtiles, plus en phase avec ces moments d’introspection. Le Chœur de l’Armée française, épaulé par le Chœur de femmes de La Maîtrise Notre-Dame de Paris (dirigés respectivement par Aurore Tillac et Henri Chalet), font preuve d’une belle autorité et prennent indéniablement un vif plaisir à interpréter leurs parties.
Jodie Devos, qui a abordé le rôle à l’Opéra de Liège en 2021, offre en Marie, la vivandière du régiment, toute sa fraîcheur, mutine et même espiègle. La voix demeure un rien légère pour le rôle toutefois, mais elle déploie une technique de grande qualité, alliant virtuosité et expressivité, diction modèle et longueur de souffle. Le suraigu passe avec facilité et sa maîtrise des vocalises émerveille visiblement l’auditoire. Jodie Devos sait par ailleurs faire preuve d’une émotion sincère, et aussi d’un humour dévastateur dans la leçon de chant du 2ème acte.
À ses côtés, Sahy Ratia (interviewé par Ôlyrix à l’occasion de cette prise de rôle) propose une interprétation toute empreinte de musicalité, très stylée et en complète adéquation avec l’ouvrage. Le timbre apparaît clair et radieux, la ligne de chant étant portée par une attention de chaque instant. Il compose un personnage amoureux et attachant, en pleine complémentarité avec sa partenaire. Les fameux contre-ut de son air “Ah mes amis - Pour mon âme” sont crânement abordés avec la brave fierté nécessaire. La voix doit certes encore s’affermir et varier ses colorations, mais Sahy Ratia promet certainement de pleinement s’épanouir à l’avenir dans le répertoire d’opéra-comique.
Marc Labonnette met sa voix de baryton large et franche au service de Sulpice, le père principal de Marie, parant le personnage de toute la bonhomie souhaitée. Doris Lamprecht campe une Marquise de Berkenfield dotée d’une vis comica fort communicative et outrée comme il convient. Sa voix de mezzo-soprano manque cependant d’égalité et de projection. Le comédien et baryton Philippe Ermelier campe son valet Hortensius de façon savoureuse, débordé qu’il est par les caprices de sa maîtresse. La voix bien assise possède des accents très chantants. Le ténor Matthieu Justine pour sa part dispose de jolis et lumineux moyens qu’il expose dans le rôle bien bref du paysan, tandis que le baryton Nicolas Bercet, qui intervient depuis sa place au sein du Chœur de l’Armée française, fait preuve d’une juste autorité.
Dame Felicity Lott enfin possède toujours ce chic incomparable et sa présence en scène, qui en impose. De quoi multiplier la frustration de l’auditeur devant le fait que le rôle de la Duchesse de Crakentorp lui réserve simplement quelques répliques parlées et quelques courtes mesures chantées. Dommage également que les dialogues parlés aient subi une actualisation manquant d’inspiration dans la transposition du vocabulaire, a fortiori au regard d’une soirée où le public s’est autant amusé qu’il a apprécié l’interprétation musicale globale. La musique de Donizetti pour sa Fille du Régiment invite indéniablement à la fête !
@HerveNiquet l'orchestre de la garde républicaine et la maîtrise de @notredameparis nous régalent avec La fille du régiment. @JodieDevos incarne une Marie drôle,pétillante et au caractère bien trempé. On rit,on est ému,on est patriote. Une soirée fantastique au @TCEOPERA ! pic.twitter.com/E62odTHSEm
— Judith (@Reine_deCoeur) 4 avril 2023