Concours de virtuosité de contre-ténors dans la Galerie des Glaces de Versailles
Versailles replonge une fois encore dans le temps fascinant où les castrats étaient les grandes « stars » des scènes européennes, admirées pour leurs impressionnantes prestations vocales et leur fascinante présence scénique dont ils rivalisaient sur les plus grandes scènes. La Galerie des Glaces accueille ainsi un "Concours" (concert) de virtuosité et de bonne humeur des héritiers des castrats : les contre-ténors.
Le contre-ténor américain Eric Jurenas est le premier à démontrer son aisance dans les vocalises précises de Vivaldi (“Amor hai vinto”). Son timbre plutôt rond, clair et homogène est soutenu par un souffle long, lui permettant de s’amuser des acrobaties vocales avec une intention communicative très appréciable. La diction pourrait certes se déployer ainsi que la pleine aisance scénique, mais il sait s’appuyer sur la dimension légère et alerte de ses partitions.
Son collègue sud-coréen Siman Chung manifeste également un souffle et des phrasés longs qui portent ici toute l’expressivité du texte, particulièrement prenante pour Vivaldi aussi ("Vedro con mio Diletto"). Son interprétation retenue, à propos, et pourtant non moins présente est à l’image du ravissement espéré dans le texte, avec un timbre riche, sans extravagance si ce n’est la présence du vibrato pour projeter avec maîtrise. Les médiums sont bien présents mais les graves manquent un peu de présence et les aigus perdent légèrement en justesse.
Le sopraniste Samuel Mariño incarne l’extravagance et l’audace du répertoire et de la tessiture. Le public n’est pas seulement ébloui par ses tenues en strass mais par les prouesses vocales du chanteur vénézuélien (ainsi que son jeu scénique et sa technique indéniablement provocateurs). Ses aigus et vocalises volontairement insolents emportent l’adhésion unanime et enthousiaste après chacun de ses airs. Les bravi fusent notamment pour Haendel (avec Atalanta et les spectateurs ne sont pas avares d’acclamations après Giulio Cesare in Egitto). La diversité et la variété de ses sons éplorés se font retenus ou bien alors détimbrés, parachevant son interprétation fascinant visiblement l’auditoire.
Samuel Mariño et lOrchestre de lOpéra Royal de Versailles à Séoul Un bref aperçu avant le concert immanquable des trois contre-ténors, lundi 13 mars, dans la Galerie des Glaces du @CVersailles ️ https://t.co/dgnzpQ21HQ pic.twitter.com/C1NKDCMouN
— Opéra Royal (@OperaRoyal) 8 mars 2023
Enfin et non des moindres, Château de Versailles Spectacle aimant aller chercher l’excellence et la surprise, ce programme des trois contre-ténors est l’occasion d’en découvrir un quatrième qui ne manque pas, lui aussi, de séduire le public. Agé de seulement 24 ans, l’italien Nicolò Balducci se montre aussi captivant par son aisance et son homogénéité sur toute la tessiture, des beaux graves aux aigus lumineux, avec un timbre caressant et une expressivité, corporelle et faciale, très intense, saisissante même. Le public en a pour lui aussi le souffle un instant comme coupé avant d’applaudir chaleureusement le jeune sopraniste.
Les quatre chanteurs sont accompagnés avec une évidente complicité par les musiciens très alertes de l’Orchestre de l’Opéra Royal, dirigé par le très actif et tout autant virtuose Stefan Plewniak. Les archets frappent et rebondissent avec force et fougue sur les cordes, emplissant avec contrastes et netteté l’acoustique de la Galerie des Glaces. Si le lieu n’est pas une salle de concert, l’acoustique s’y équilibre.
Loin de toute rivalité, les chanteurs offrent aussi quelques duos et trios, en pleine concordance malgré leurs personnalités propres. Le délicieux bis “Pur ti miro” et encore le feu d’artifices vocal de la joute “Temi lo sdegno mio, perfido traditore”, remerciant ainsi le public de son ovation enthousiaste. Un public qui sans doute se donne déjà rendez-vous le mois prochain à l'occasion du "Stabat mater pour deux castrats" à la Chapelle Royale avec Bruno De Sá et Cameron Shahbazi.