accentus lance son 30ème anniversaire avec Insula Orchestra au Printemps des Arts
Comme l’explique Laurence Equilbey dans notre article grand format (à retrouver à ce lien), le Chœur accentus a choisi de fêter sa troisième décennie différemment des autres : non pas avec un programme anthologique ou best-of mais dans “une vision cohérente” réunissant l’oratorio Christus et la cantate La Nuit de Walpurgis (Walpurgisnacht) de Felix Mendelssohn, avec une pièce contemporaine de Wolfgang Rihm “Fragmenta passionis” remontant aux origines de la possibilité verbale et sensorielle en une polyphonie de chuintements et chants de sirènes. Les œuvres s'enchaînant, ce programme se déploie dans un continuum et se dessine ainsi à l’image de l’histoire de ces phalanges et de l’art musical (ainsi que de ce Festival Printemps des Arts de Monte-Carlo) : passé et présent, sacré et profane, se croisant souplement, partageant une habileté d’écriture au jaillissement Créateur.
Laurence Equilbey mobilise une gestuelle énergique et géométrique à la fois. Ses mouvements de tête marquent son implication physique, en direction des masses symphoniques et chorales, relançant l’intervention des pupitres, notamment des timbales. La cheffe alterne mouvements de main droite et de main gauche, lançant le son vers le sol comme vers le ciel. La battue couvre l’espace des deux strates qu’elle unifie par sa science du dosage, alliant micro-impulsions et amples signaux arrondis.
L’Insula Orchestra est lumineux, puissant, clair dans le séquençage de ses traits, de ses vagues sonores au ressac régulier. Les appels de cuivres prennent la couleur du soleil au matin, tandis que des tutti majestueux expansent sans les recouvrir les tutti d’accentus.
La sonorité d’ensemble, orchestre et chœur, traduit la double dimension religieuse du programme, fait de splendeur et d’austérité réunies, notamment dans l’affirmation de la foi. Le contrepoint entrecroise lignes chorales et instrumentales, en une osmose qui repose sur l’écoute intérieure et mutuelle de chaque musicien, ainsi que sur les gestes proportionnés de la direction musicale.
Le chœur se montre équilibré, homogène à l’intérieur de chaque pupitre et dans l’ensemble, tantôt suave et diaphane, réinjectant de la plénitude sonore, telle une spirale infinie, tantôt porteur d’effroi, figurant grâce à la plastique de la langue, vacarme, fracas, cloutage, appels déchirants et engrenages diaboliques. S’appuyant sur son potentiel dramatique également forgé dans le répertoire de l’opéra, il est ce petit peuple des forêts celtiques, elfes, gnomes et fées, par la précision des notes répétées et piquées, au climat surnaturel.
En 2011, accentus gravait Christus dans un disque Mendelssohn paru chez Naïve, avec l'Ensemble orchestral de Paris, Sandrine Piau, Robert Getchell, Markus Butter
Parmi le quatuor de solistes-compagnons de route de ces phalanges, la soprano Hélène Carpentier apporte humilité, sensibilité, émotion et délicatesse au répertoire sacré. Les éclats vocaux emplis de vie émergent d’autant mieux de cette ligne émouvante. Le timbre solaire est porté par un vibrato léger, flottant sur les eaux de l’orchestre. L’autre pilier vocal de la soirée est le ténor Stanislas de Barbeyrac, en très grande forme, galvanisé par la puissance du propos. Il déploie l’autorité de l’évangéliste, d’un ténor qui plonge vers une sûreté presque de baryton dans la projection. La technique d’attaque des sons aigus par le haut, toujours radieux, s’allie à sa déclamation engagée et juste dans une puissance sonore loin de la course aux décibels tout en s’installant à la crête des grands tutti.
Souvent sollicité dans les extraits choisis, le baryton Thomas Oliemans prend le temps de patiner son timbre et sa déclamation lors des récitatifs, de les rendre bien chantants, avec un vibrato crénelé (après des débuts un peu rêches). Il s’auréole bien vite de paternité vocale, empruntant au basson son timbre chaud et insistant, ombrageux, autoritaire, ardent, toujours capable d’entraîner le collectif choral. Enfin, l’alto Hilary Summers étonne à prime abord, tant son timbre se rapproche du contreténor. La voix est fine, couleur d’argent mat, mais entretenue et élargie par un contrôle efficace du vibrato, qui ne l’empêche pas d’être un peu fondue dans les ensembles (difficulté d’une tessiture intermédiaire).
Nous ouvrons la tournée anniversaire des 30 ans d @accentus cet après-midi, depuis le Printemps des Arts de Monte-Carlo ! Un anniversaire sous le soleil, avec Hélène Carpentier, Hilary Summers, @StandeBarbeyrac @thomas_oliemans @InsulaOrchestra pic.twitter.com/6pVywcJwLl
— Laurence Equilbey (@Equilbey) 12 mars 2023
Un bis, à la demande pressante d’un public heureux, réunit tous les musiciens dans la cantate funèbre du jeune Beethoven écrite pour Joseph II, défenseur des arts : une œuvre réemployée dans son unique opéra Fidelio où accentus, Insula Orchestra et Laurence Equilbey étaient déjà réunis avec la moitié de ces solistes. La soprano s’y montre éclatante, le ténor impérieux, le baryton soyeux, l’alto prenante. Le public scande le rappel des artistes jusqu’à leur départ de la scène.
Du 12 au 18 mars cest la #tournéeanniversaire d' @Accentus ! 12/03 Printemps des Arts de Monte-Carlo / 15/03 @CiteMusicale / 16/03 @philharmonie / 18/03 @LaSeineMusicale https://t.co/AN5j609Ye3 Concert en direct le 16/03 sur @francemusique et @ARTEconcertFR pic.twitter.com/h7PvNDPaQ4
— Insula Orchestra (@InsulaOrchestra) 11 mars 2023