Le Carnaval du Parnasse à Tourcoing, badinerie pastorale
Après Titon et l’Aurore à l’Opéra Comique (bientôt repris au Festival Dans les jardins de William Christie), Mondonville trouve de nouveau les honneurs des scènes françaises, cette fois avec son Carnaval du Parnasse (passé la veille à Versailles qui en prévoit un enregistrement). Le livret de Louis Fuzelier (son dernier) n’a pas l’inventivité de celui qu'il écrivit pour Les Indes galantes de Rameau : sur le Parnasse, Thalie et Licoris repoussent les amours de Momus et d’Apollon, avant de céder à leurs charmes lorsque leur véritable identité leur est cachée. La simplicité de cette badinerie pastorale explique probablement que l’œuvre n’ait plus été jouée depuis 1774, après avoir pourtant connu un succès significatif depuis sa création en 1749. De fait, cette faiblesse du livret risque de décourager les programmateurs d’en faire une version scénique (à moins qu’un metteur en scène trouve le moyen d’en faire une lecture passionnante : le défi est lancé !) ne permettant pas aux ballets, très joliment composés, d’être dansés. En effet, plombée par son livret, l’œuvre n’en est pas moins charmante avec sa partition vive et rythmée, son ambiance enjouée, ses surprises incessantes dans son orchestration. Si le prologue voit s’affronter le style léger (associé à l’art italien) et le style mélancolique (plutôt associé à l’art français, et notamment à Rameau), le compositeur prend clairement position pour le premier.
En l’absence de mise en scène et de ballet, le chef Alexis Kossenko, dirigeant à mains nues ses Ambassadeurs ~ La Grande Écurie, assure le spectacle et le ballet à lui tout seul : il saute, se baisse, tape du pied, danse, marche la tête haute (comme un petit soldat), fait mine de jouer certains instruments ou s’arrête totalement, les bras croisés, regardant ses musiciens jouer. Mais cette activité ne sacrifie en rien la musique : les attaques et les conclusions sont très précises et l’interprétation toujours expressive et nuancée. Les femmes du Chœur de chambre de Namur apportent de la gaité par leurs aigus souples et vifs, très homogènes, tandis que les timbres des différents pupitres masculins se distinguent et se complètent à merveille.
Le plateau vocal (uniformément précis dans sa diction française, ce qui ne fait pas totalement regretter l’absence de surtitres) met en avant trois sopranos : Gwendoline Blondeel incarne ainsi Florine (dans le prologue) et Thalie d’une voix aussi brillante que sa robe, au timbre acidulé, à la projection compacte. Sa ligne est conduite avec musicalité, un sourire toujours affiché sur son visage pour accompagner l’humeur musicale de sa partition. Ses suraigus sont puissants et précis, soulevant les (seuls) vivats du public. Hélène Guilmette chante Lycoris, elle aussi avec une robe et une voix brillantes. Son timbre est chaud, ses aigus larges, mais son vibrato léger. Hasnaa Bennani est quant à elle Clarice dans le prologue, puis Euterpe (et autres petits rôles). Elle dispose d’une voix au timbre pur, habilement conduite jusque dans de très fins trilles et malgré un legato parfois lâche.
Mathias Vidal incarne Apollon avec son habituel engagement et son chant expressif. Sa voix claironnante au timbre vivement coloré est à l’aise dans le style, découpant des ornementations travaillées. La couverture vocale reste sans doute trop importante sur les voyelles qui sont alors trop ouvertes. David Witczak s’amuse en Momus (avec son bonnet, son bâillement, etc.). Il délivre certains passages par cœur afin d’être plus libre dans son interprétation théâtrale. Son baryton dispose d’aigus aisés et très légèrement vibrés, mais les graves sont émis plus difficilement. Enfin, Adrien Fournaison assure différents petits rôles (Dorante, un Suivant de Terpsichore, un Suivant d’Euterpe) d’une voix de baryton mate et bien émise, au timbre boisé qui s’enrichit dans les graves.
Discret durant la représentation, le public acclame longuement les interprètes une fois l’œuvre achevée.