Héloïse Mas et l’Opéra de Marseille célèbrent la musique au féminin
L’Opéra de Marseille fait comme amende honorable en cette soirée du 8 mars, en mettant à l’honneur des œuvres de compositrices, si rarissimes sur les affiches des maisons lyriques (c'est pourtant ici que fut créé en 1888 le ballet Callirhoë de Cécile Chaminade par exemple).
La programmation de la soirée inclut donc des œuvres symphoniques de compositrices françaises heureusement de plus en plus reconnues, comme le champêtre D’un matin de printemps de Lili Boulanger, deux ouvertures de Louise Farrenc, et trois envoûtants extraits des Femmes de Légende (Cléopâtre - Ophélie - Salomé) de Mel Bonis. Mais également des extraits d’opéras du répertoire (masculin, donc) interprétés par la mezzo-soprano Héloïse Mas, qui vient de terminer les représentations de Carmen à l’Opéra, dont la toute dernière sous la direction de la cheffe Clelia Cafiero.
Et c’est sous la baguette de cette dernière que se déroule cette soirée pas comme les autres. La cheffe italienne connaît bien la maison puisqu’elle y fut cheffe associée de Lawrence Foster jusqu’en 2021. La gestique, sobre et carrée, sert une direction fidèle à l’univers de chaque œuvre : l’onirisme péplum chez Mel Bonis, la cavalcade lyrique chez Bizet ou encore la chaleur intimiste chez Lili Boulanger. L’enthousiasme et l’étoffe riche des timbres des différents pupitres apportent différents caractères à chaque composition, notamment sur les très beethoveniennes ouvertures de Louise Farrenc.
L’ombre de Carmen plane notamment dans ses trois extraits au programme de la soirée, convoquant la voix chaude, joueuse et sensuelle de la soliste. La diction, d’une précision d’orfèvre, épouse avec malice la courbe souple du legato. Les graves, coquins et bien placés, répondent à des aigus sucrés et décidés. Le vibrato, important, reste à propos et profondément sincère (il l’est un peu moins sur l’air de Leonora, extrait de La Favorite de Donizetti, où le timbre très dramatique aurait pu détonner légèrement avec la légèreté belcantiste attendue de la partition). L’air, virtuose et acrobatique, vient toutefois détromper ce doute : il est chanté avec aplomb, précision et maestria, jusqu’à un éclatant contre-ut culminant. L’air final de Sapho « Ô ma lyre immortelle » sied particulièrement à Héloïse Mas, avec une projection assurée, des aigus martiaux et un vibrato aussi puissant que dramatique.
L’Orchestre Philharmonique de Marseille et la chanteuse offrent en bis un dernier clin d’œil à Carmen avec la célèbre « Séguedille » et ses aimables fantaisies rythmiques, avant de recevoir les applaudissements chaleureux du public de l’Auditorium du Pharo (laissant un regret, celui de ne pas avoir entendu d’œuvre lyrique de main féminine, pas ce soir en tout cas, pas encore).
Retrouvez notre compte-rendu de La Sérénade de Sophie Gail et Sophie Gay remise à l'honneur au dernier réveillon d'Avignon ainsi que notre newsletter du 8 mars dédiée aux compositrices, cheffes, chanteuses & héroïnes lyriques