Les chemins lyriques de l'amour, de Hong Kong à Paris Salle Gaveau
Ce concert vise à œuvrer pour la démocratisation de l'opéra. Certaines des célèbres pièces au programme (plongeant du répertoire italien vers l'opérette viennoise) sont ainsi présentées à la manière des fameux concerts des Trois Ténors (un même air pouvant être partagé à plusieurs).
Le ténor Warren Mok a débuté sa carrière internationale en 1987 à l'Opéra allemand de Berlin et la poursuit depuis. Sa voix impressionne par l'évidence de ses résonances, avec des aigus libres et vibrants, ainsi qu'une présence scénique affirmée. Celui qui s'est donné pour mission de populariser l'art lyrique en Chine (et au-delà) est particulièrement attentif à mettre en valeur les voix de ses partenaires, notamment dans les ensembles (le sommet en terme de timbre et de frissons en salle étant le duo de Butterfly avec Bing Bing Wang, qui marie ensuite sa voix avec Marie Karall dans la Barcarolle des Contes d'Hoffmann).
La jeune soprano Bing Bing Wang est elle aussi mise à l'honneur par un "tube" (la Casta Diva) redoutable techniquement. Là aussi, son parcours doit lui offrir davantage de maturité dans le timbre et la conduite de phrasé, mais ses couleurs de jeunesse, et même de fragilité, renforcent l'incarnation du rôle, émeuvent visiblement le public, puis le font sourire lorsqu'elle rit de se voir si belle en ce miroir, avec l'effervescence d'une spontanéité à l'innocente jeunesse.
La mezzo-soprano Marie Karall déploie la rondeur de sa voix en Dalila. Son cœur s'ouvre à sa voix -et réciproquement- avec une intensité qui gagnera certainement encore en souplesse et sérénité, ce qu'elle sait naturellement faire en Carmen : sa présence scénique et les nuances du texte prenant la scène avec aisance.
La voix de Samuel Huang manque encore de souplesse (cela devrait croître en approfondissant son incarnation émotionnelle du personnage d'Alfredo Germont) mais la production du son est solide, projetée et résonnante, ses aigus assurés. Il montre en outre le grand travail effectué sur le plan musical en Werther, l'ambitus ne lui posant pas de problème.
L'Orchestre sait nuancer ses expressions intimes et contenir les envolées dramatiques. Le développement du propos musical est bien mené par le chef Sébastien Rouland, les instruments solistes s'exprimant à part entière dans un contexte harmonieux. La phalange sait aussi bien changer l'atmosphère pour basculer dans l'univers d'Offenbach, avec légèreté et grand entrain.
La fin de la soirée s'offre comme il se doit en un climax, avec le "Nessun Dorma" de Turandot interprété en duo de ténors (voix alternées puis réunies sur le "Vinceró") avant L'Heure Exquise en quatuor, ainsi qu'une chanson chinoise, le tout salué par maints applaudissements, suivi par "O sole mio" et le "Libiamo" pour conclure la soirée. La Salle Gaveau est remplie d'un public enthousiaste et heureux de chantonner en sortant.