Requiem de Fauré en images à La Seine Musicale
Saint François d’Assise, dernier oratorio de Gounod, était considéré comme perdu jusqu’à la redécouverte (et recréation en 1996, une décennie avant son premier enregistrement mondial par accentus) d’une partition de ce trésor caché du répertoire romantique français. Ces deux œuvres, contemporaines l’une de l’autre, sont enchainées sans entracte, presque sans interruption. Force est de constater que la transition s’avère fluide, via une certaine affinité entre ces deux pièces, qui semblent toutes deux regarder la mort en esquissant un sourire solennel.
Les deux pièces bénéficient de la direction méticuleuse et fine de Laurence Equilbey. Les attaques de l’orchestre Insula sont au scalpel, percutantes mais sans faire de la « foudre orchestrale », retenue qui laisse s’installer le recueillement nécessaire dans ce répertoire. Le son légèrement plus adouci des instruments d’époque renforce également ce sentiment de réserve, qui loin d’étouffer les fortissimi ne les rend que plus percutants lorsqu’ils surgissent, sur le Sanctus puis le Libera Me. Le Chœur accentus, élément crucial de ces deux œuvres, partage la précision de l’orchestre, s’élevant au ciel dans des ensembles limpides, purs et dynamiques.
Saint-François d’Assise inclut deux solistes. Le premier, et le plus sollicité, correspond au « rôle-titre » (si tant est que cette expression convienne pour un oratorio), chanté par le ténor samoan Amitai Pati. Très à l’aise dans le répertoire français, sa ligne vocale précise est toujours au service de la limpidité du texte. Avec sa voix légère, claire et lyrique, il incarne la résignation du saint mourant avec simplicité. Face à lui (ou plutôt au-dessus de lui, puisqu’il commence le spectacle au premier balcon), l’Allemand Samuel Hasselhorn prête son baryton d’airain à la voix du crucifix s’animant pour répondre aux prières du saint. Le baryton est également le soliste du Requiem de Fauré. Son timbre dégage une forme d’autorité et d’assurance, avec une émission bien contrôlée, prenant presque des couleurs de basse dans son ultime intervention lors du Libera me. L’autre soliste est issu de la Maîtrise (portant bien son nom) des Hauts-de-Seine, également Chœur d’enfants de l’Opéra de Paris, qui chante la partie soprano du Pie Jesu d’une voix nette et lumineuse.
Le Requiem est accompagné par une œuvre du vidéaste anglais Mat Collishaw, qui illustre cette messe aux morts par une installation sur le thème du deuil, représentant des familles au chevet de personnes âgées dans une tour dont le délabrement suggère un cadre post-apocalyptique. Ces images sont accompagnées de paysages de rivières, symbole par excellence de l’éternelle impermanence des choses. Lors du Libera me, moment où la partition tressaille pour évoquer les affres du grand départ avant la délivrance, le vidéaste s’est inspiré des rites funéraires tibétains, là où la terre est trop dure pour être creusée, et le bois trop rare pour faire un bûcher, ainsi laisse-t-on les oiseaux se repaître des dépouilles, le sanglant festin des vautours contrastant avec la digne solennité du Requiem (le programme annonce ainsi que la "vidéo projetée lors de ce spectacle contient des images pouvant heurter un public sensible"). La dernière image montre ces mêmes oiseaux volant dans un ciel apaisé tandis que résonnent les délicates harmonies du In Paradisum final.
Les performances des musiciens et des solistes sont chaudement applaudies de longs instants durant. En revanche, une messe des morts n’est guère propice aux rappels.