Christoph et Julian Prégardien, père et fils récitalistes au Théâtre des Champs-Elysées
À l’origine, il s’agissait d’un spectacle chorégraphié par Thierry Thieû Niang qui formait un duo avec le danseur Jonas Dô Hûu, en contrepoint aux deux voix de ténors. Présenté en janvier 2021 à la Philharmonie de Paris et enregistré (mais sans public du fait de la pandémie), ce concert de l’Orchestre de chambre de Paris était alors dirigé par le regretté Lars Vogt qui se chargeait par ailleurs de l’accompagnement au piano de plusieurs Lieder : retrouvez-en notre compte-rendu. Le relais se trouve assuré au Théâtre des Champs-Élysées, sous une forme plus traditionnelle et hors la dimension théâtrale d’origine, par le jeune chef d’orchestre britannique Harry Ogg, qui occupe actuellement le poste de Kapellmeister au Deutsche Oper am Rhein et la pianiste germano-grecque Danae Dörken.
Christoph et Julian Prégardien se produisent régulièrement ensemble dans un dévouement absolu au Lied notamment. S’ils partagent les mêmes affinités et les mêmes aspirations artistiques, le père et le fils disposent de moyens vocaux différents, mais totalement complémentaires comme le souligne expressément le programme de cette soirée. Loin de toute emphase, ils privilégient tous deux l’expressivité naturelle et l’exaltation du sentiment le plus profond. Par-delà les ans et s’agissant d’une carrière déjà fort longue, Christoph Prégardien conserve presque intact un phrasé souple et lumineux assez proche de la narration, un chant soutenu osant aborder les parties graves tout en laissant s’élever une voix de ténor demeurée fraîche, à l’aigu sûr et vaillant. Son interprétation à la fois intimiste et affirmé de Greisengesang (Chant de l’âge gris) de Franz Schubert en porte témoignage.
Plus lyrique, dotée d’une diction claire et plus intensément directe, plus large aussi, la voix de Julian Prégardien offre une musicalité sans fard et un rien plus passionnée. Il rayonne ainsi dans Prometheus de Schubert dans l’orchestration de Max Reger ou au sein de l’oratorio (partie de Jésus) de Beethoven, Le Christ au mont des Oliviers. Par ailleurs, Christoph Prégardien a arrangé lui-même trois Lieder pour les convertir en duos. Purs moments de complicité filiale et de bonheur artistique partagés, les deux artistes abordent ainsi, avec l’orchestre ou avec l’appui du piano, le poignant lied Der Vater mit dem Kind (Le Père et l’Enfant) de Schubert ou le célébrissime Erlkönig (Le Roi des Aulnes) du même compositeur. Ici, les deux voix se répondent dans une sorte de frémissement bouleversant paré d’une pleine humanité.
L’Orchestre de chambre de Paris offre ses pleine couleurs au Nacht und Traüme (Nuit et rêve) de Schubert, dans l’orchestration pleine de couleurs de la compositrice associée à cette phalange, Clara Olivares, venant conclure un concert marqué du sceau de la sincérité et du partage. Les instrumentistes qui proposent également deux ouvertures (Les Créatures de Prométhée et Coriolan de Beethoven) suivent la direction d’Harry Ogg, son geste ample et assuré offrant une interprétation vigoureuse, inspirée dans sa dimension expressive. Dans l’accompagnement des Lieder, il modère plus son approche et obtient de ses musiciens un déploiement subtil en adéquation avec la prestation des deux ténors. Accompagnant au piano deux des pages proposées, Danae Dörken offre un doigté à la fois sensible et précis.
Le public qui applaudit longuement les artistes présents, a la gorge encore serrée d’émotions rehaussées par les bis (Erlkönig et Im Abendrot-Au Crépuscule de Schubert).