Bon anniversaire Monsieur Fauré
En programmant le Requiem de Gabriel Fauré, l’Opéra Royal de Versailles s’associe aux commémorations du centenaire de la mort du compositeur, tout en le dédiant à la mémoire de Joëlle Broguet, membre fondatrice de l’ADOR – les Amis De l’Opéra Royal. Cette œuvre résonne tout particulièrement dans ce haut lieu qu’est la Chapelle Royale car la création de sa version complète fut donnée à l’église de la Madeleine pour le centenaire de l’exécution de Louis XVI (1893).
Le Requiem de Fauré se démarque de ceux, démonstratifs, de Mozart, Berlioz ou Verdi. Il exhale une certaine douceur qui invite au recueillement, tant et si bien que certains l’intitulèrent « une berceuse de la mort ». Le choix de la version originale (orchestre de chambre sans violon avec des altos) renforce ce caractère de douceur feutrée.
Ce Requiem est ici précédé de pièces qui, tout en étant profanes, tissent un lien à plusieurs niveaux avec celui-ci. Le lien le plus évident émane de la pièce de Rossini avec son titre évocateur: « Quelques mesures de chant funèbre à mon pauvre ami Meyerbeer ». Le thème du deuil filtre également dans les Vier Gesänge de Brahms et dans Gesang der Geister über den Wassern (Chant des esprits sur les eaux) de Schubert, le poème de Goethe évoquant le cycle de la vie.
Le lien se tisse également de par l’effectif instrumental réduit, sans violon, commun à toutes ses pièces. Et c’est même sans orchestre, a cappella, que le chœur interprète l'Abendlied de Rheinberger achevant ainsi la première partie.
Un autre lien, purement musical, semble également être à l’origine de la cohérence du programme. Un rythme répété de marche s’entend à plusieurs moments, figurant une avancée inéluctable menant, dans un premier temps à la fin du concert, puis vers un delà, « une délivrance heureuse, une aspiration au bonheur » selon les dires de Gabriel Fauré.
Laurent Brunner, Directeur de Château de Versailles Spectacles, accueille chaleureusement le public et, avec sa pointe d’humour habituelle, informe l’assistance que les caméras en présence ne retransmettent aucun match de foot mais qu’elles enregistrent le concert et qu’il faudrait veiller à faire le moins de bruit possible (consigne respectée, à une sonnerie de téléphone près).
Sous la direction de Victor Jacob la musique se déploie dans des phrasés souples et animés, conduisant les phrases, soit vers un développement ou une exaltation, soit vers un apaisement. Entre ses mains, la densité sonore devient charnelle tout en restant mesurée. Ancien chanteur et chef de chœur, il porte une attention particulière aux chanteurs en les invitant dans la musique, respirant avec eux et prononçant chaque parole.
Le Chœur de l’Opéra Royal semble sensible à ces intentions, intervenant avec une diction précise et un son d’ensemble lumineux. L’homogénéité peut, cependant, être parfois fragilisée par des voix de ténor claironnant dans l’aigu.
Le Pie Jesu, à l’origine confié à une voix d’enfant (il n’y avait pas de voix féminine dans le choeur de La Madeleine), est ce soir interprété par la très jeune soprano Isaure Brunner. La voix juvénile sonne claire et sans vibrato avec cependant une certaine puissance lui permettant de s’envoler jusqu’aux derniers rangs de la Chapelle Royale. Son chant simple et direct est assuré par une justesse irréprochable et une conduite infaillible.
Le baryton Jean-Gabriel Saint-Martin s’engage avec conviction dans le Libera me. Si sa voix fait entendre de belles résonances, celles-ci sont, cependant, parfois altérées de par un souffle extériorisé trop vigoureusement.
La vigueur n’est pas un problème lorsqu’elle accompagne les applaudissements du public et, pour clore cette cérémonie d’anniversaire, les artistes offrent deux bis : le Cantique de Jean Racine de Fauré et, en hommage à ce lieu prestigieux, « Tendre amour » extrait des Indes galantes de Rameau.