La Colombe de Gounod, Parole et Musique d’esprit
Jules Barbier et Michel Carré ont collaboré sur de nombreux opus, parmi lesquels Faust ou Roméo et Juliette de Gounod, Mignon ou Hamlet d’Ambroise Thomas, et œuvré séparément sur d’autres chefs d’œuvres, comme Les Contes d’Hoffmann ou Les Pêcheurs de perles. Associés au génie musical de Gounod, il eût été étonnant qu’ils commissent une œuvre totalement dénuée d’intérêt. De fait, cette Colombe, opéra-comique (enchaînant dialogues parlés et airs chantés) a de l’esprit, mais aussi de la légèreté : le public rit de bon cœur de ces personnages caricaturaux mais attachants. Les airs et les ensembles ont un certain charme et requièrent une virtuosité qui légitimerait une présentation plus régulière de l’opus sur nos grandes scènes.
L’histoire est simple : la Comtesse Sylvie rend visite, avec son majordome Maître Jean, à son ancien amant, le Seigneur Horace (qui s’est jadis dépouillé de sa fortune par amour pour elle, avant de se faire éconduire) afin de lui acheter sa colombe savante qui lui permettrait de briller dans la haute société. N’osant dévoiler sa requête, elle s’invite à dîner. Mais le valet d’Horace, Mazet, ne dispose pour seul mets à cuisiner que de cette précieuse colombe…
Pour cette représentation devant une centaine de personnes, l’orchestre est réduit au piano léger, agile et rythmé de Françoise Tillard et au violoncelle profond de Soizic Chevrant, qui construit de beaux phrasés mais connait parfois des écarts de justesse. De manière générale, le manque criant de moyen n’empêche ni la qualité musicale ni l’ingéniosité scénique. Les quatre solistes partagent d’ailleurs une diction très soignée : l’absence de surtitrage ne se ressent pas.
Clara Penalva est à l’aise scéniquement en Comtesse Sylvie, ses moues et ses manières dans sa riche robe noire amusant le public. Elle dispose d’une voix concentrée et agile au timbre pur et au vibrato fin et rapide. Elle tend cependant à lancer ses aigus qui perdent ainsi parfois en précision. Laura Muller prête au valet Mazet un jeu fruste mais efficace, ainsi que son mezzo ancré dans l’aigu et au vibrato rond. Charles Mesrine interprète le Seigneur Horace d’un ténor au grain chaud et aux aigus pleins et aisés. Il construit son phrasé sur un legato soigné.
Franck Leguérinel interprète Maître Jean deux jours seulement après la fin des représentations du Voyage dans la lune de l’Opéra Comique. N’ayant ainsi eu que peu de temps de répétition, il s’appuie sur le livret pour dire son texte, et sur sa partition dans les ensembles (ses interventions solistes étant tenues sans support). Il compense ces entraves par son habituel talent théâtral et sa finesse comique. Son chant très articulé repose sur un timbre clair aux riches graves, apposés sur un vibrato maîtrisé.
À l’image de Maître Jean, le public peut se dire : « J’admire et je me tais ». Mais à la fin de la représentation, il ne ménage pourtant pas ses efforts pour partager son enthousiasme. Une nouvelle représentation aura lieu ce lundi 6 février à 20h à la Cathédrale des Arméniens (Paris).