La Voix humaine à la Philharmonie : L’amour au bout du fil
Dans des lumières réduites en seconde partie pour plonger même la grande scène de la Philharmonie de Paris dans l'intimité de La Voix humaine (tragédie lyrique en un acte sur le texte de Jean Cocteau), Véronique Gens et l'Orchestre sont réunis dans le drame (d'autant que le noir des tenues domine et les réunit également dans ce deuil d'un amour désormais illusoire et à sens unique).
Véronique Gens incarne ce rôle pleinement, embrassant toutes les douleurs de son personnage. Même si la configuration (et la pièce) n’est pas propice à des déplacements, c'est par l'éloquence de quelques mouvements de main -notamment portée au visage- qu'elle ponctue son expressive prestation fondée sur les gestes de sa respiration. Véronique Gens s'investit pleinement dans son exécution vocale et dans son interprétation, la chanteuse devient le personnage, le chant parole, les murmures sanglots qui eux-mêmes redeviennent chant. Le parlando (procédé d'interprétation vocale qui consiste à imiter le langage parlé) est employé justement, renforçant la proximité de cet événement intime. La partition vocale, complexe, ne heurte sa performance en aucun cas. La cohésion avec l’orchestre est présente, ainsi que la maîtrise de sa puissance vocale qui atteint son apogée au terme de l'œuvre, point culminant de l’expression des sentiments, se réalisant dans une transcendance fatale de l’amour. La couleur de son timbre est claire et agrémentée de vibratos écarlates venant percer la barrière scénique. Bien que la pièce soit sur-titrée, l’articulation du texte permet une compréhension totale.
L’Orchestre national de Lille traduit la richesse de ces deux partitions, de styles différents mais emplies de changements de caractères, de jeux d’allusions et de figuralismes. L’orchestre est attentif au jeu des timbres, à la place des silences et à celle de la soliste. Alexandre Bloch, Directeur musical de l’Orchestre national de Lille, propose une direction souple, enthousiaste, énergique et remarquée comme lorsqu'emporté par la Sinfonietta il en vient à déposer sa baguette en faveur d’une plus grande amplitude de mouvement. Pour La Voix humaine, sa conduite est fine mais ferme, les temps très en place, les nuances marquées.
Le public applaudit chaleureusement et certains attendent longuement la séance de dédicace à l'issue de la prestation, confirmant le succès de la représentation.