Hommage à Nadia Boulanger à l’Auditorium de Radio France
Pédagogue majeure et exigeante, pianiste, organiste, cheffe de chœur et d’orchestre, compositrice française, Nadia Boulanger (1887-1979) a marqué la musique du XXème siècle d’une empreinte indélébile. Depuis son mythique appartement de la rue Ballu ou depuis le Conservatoire Américain de Fontainebleau qu’elle dirigea jusqu’à sa mort, elle fascinait par son érudition musicale et sa prodigieuse mémoire. Son influence sur la musique américaine du temps fut décisive. Elle comptait parmi ses élèves Elliott Carter, Aaron Copland ou plus tard, Leonard Bernstein entre autres. Plusieurs des concerts programmés par Radio France font la part belle aux œuvres de ces compositeurs, même si la musique hexagonale n’est certes pas oubliée avec la présente importante de Gabriel Fauré, le maître de Nadia Boulanger, mais aussi de Jean Françaix son élève prodigue, Jacques Ibert et plus largement, Igor Stravinsky.
Le quatrième concert propose pour sa part sous la baguette de Mikko Franck un programme essentiellement français avec le Requiem de Fauré pour point d’ancrage. Mikko Franck offre une vision généreuse, fort lyrique et même épanouie du Requiem dans sa version symphonique, tout en préservant son aspect religieux voire sombre et puissamment contemplatif. L’Orchestre Philharmonique de Radio France déploie sous la baguette de son chef des trésors de souplesse et de nuances, mettant pleinement en relief l’attachement de la phalange à son chef. Leur interprétation prévient tout effet de théâtralité et privilégie l’homogénéité stylistique. L’intervention du violon solo de Ji-Yoon Park est vivement saluée par le public. Ces mêmes qualités inspirent le Chœur de Radio France dirigé par Lionel Sow, aux pupitres équilibrés et généreux, menés jusqu’à la grâce du choral final In Paradisum.
Jérôme Boutillier interprète la partie pour baryton avec une rare intensité, sans pathos, de sa voix sonore et incisive, mais ici cherchant en premier lieu à s’insérer au mieux à ce Requiem émouvant. La cohérence de l’ensemble et son accomplissement sont reçus comme tels par l’auditoire. Riche d’harmoniques, la voix de la soprano Valentina Nafornita prend appui sur un souffle maîtrisé, un souci de variété dans les couleurs et un aigu à la fois translucide et lumineux. Ces mêmes dispositions habitent son interprétation du Pie Jesu de Lili Boulanger pour soprano, quatuor à cordes, harpe et orgue. Cette pièce courte et bouleversante fut dictée par Lili Boulanger sur son lit de mort en 1918 à sa sœur Nadia. Œuvre ultime de la première compositrice couronnée par le Prix de Rome (le plus prestigieux de cet art), vaincue par la tuberculose à l’aube de sa vie et de son œuvre, ce Pie Jesu en forme de testament musical dispense un climat douloureux et introspectif. Deux compositions de Nadia Boulanger complètent le programme dont une en création mondiale, Allegro écrit lorsqu’elle était encore élève au Conservatoire de Paris et dont la partition fut publiée simplement l’an dernier. Les Trois pièces pour piano permettent au public de saluer la prestation toute de délicatesse au niveau du toucher et pleine de fraicheur de Nour Ayadi, qualités exposées un peu plus tôt dans la Ballade pour piano et orchestre de Gabriel Fauré.
Ce concert enchante le public féru de musique française de l’Auditorium de Radio France et constitue un hommage de grande classe à Nadia Boulanger.