Concert du Nouvel An à Marseille : Vienne de la Canebière
Le programme a ceci d’original qu’un seul opus (Les Contes d’Hoffmann) y est dédié à Offenbach, non pas donc celui de la farce et de la parodie, mais le romantique. Le concert offre en miroir le rituel viennois, entre l’ouverture de La Chauve-Souris de Johann Strauss fils et la Marche de Radetzky de Johann Strauss père en passant par le chant. La danse, sublimée par la musique, est le fil conducteur de la soirée, avec ses langueurs et ses pétulances, de la barcarolle à la polka, en passant par la valse.
La gestuelle du chef Lawrence Foster, comme à son ordinaire, est diversifiée, depuis les imperceptibles soubresauts de l’épaule gauche jusqu’aux amples battements de ses deux bras. Sa baguette pointe tel ou tel pupitre, tandis qu’il peut la replier vers lui, pour contenir l’emballement d’une musique conçue pour le vertige. Les cordes peinent parfois à trouver leur unité sonore, alors que leurs archets marchent d’un même pas. En revanche, les vents sont à la fois affutés et puissants. Ils expriment toute la verve de cette musique viennoise, tout son potentiel humoristique aussi. Tous jouent le jeu : flammes des cuivres, étincelles du triangle, sanglots longs des violoncelles. Et Lawrence Foster de se tourner vers le public, de le haranguer, entre deux pièces, pour exprimer tout le plaisir qu’il a de retrouver son « grand public marseillais » et de lui souhaiter une bonne année. Imperturbable, quand il se perd dans les pages de ses partitions, il donne les entrées comme il ferait un élégant baise-main.
La soprano Julia Knecht fait virevolter sa ligne vocale comme un souple jupon. Elle joue l’enchanteresse, de sa voix planante, non dépourvue cependant de superbe. La ligne est fine, l’émission nerveuse, l’expression engagée, ce qui lui permet de passer avec aisance. La matière vocale est justement calibrée, afin de restituer les lents balancements de la danse et elle gagne les aigus avec une délicatesse légère. Une fine pellicule de métal recouvre ses traits coloratures, dans lesquels elle incorpore de manière agile les rires de son personnage. Ses amples roucoulements conversent avec les solistes de l’orchestre, clarinette et flûte, avec ce qu’il faut d’esprit et d’élégance pour recevoir les acclamations du public.
Sa partenaire, Laurence Janot, annoncée soprano pour sa capacité à atteindre quelques cimes à force de puissance, détient un instrument charnu, au timbre amidonné dans son medium, au très large vibrato. Il trouve à s’épanouir dans la Barcarolle d’Offenbach, se chauffant progressivement afin d’entrer dans la danse et de déployer un timbre à la sensualité d’alcôve. Le sens du phrasé, à l’échelle longue de la phrase plutôt que du mot permet d’apprécier la technique, apparemment naturelle, du débit d’air, comme le placement de la voix, s’appliquant à pétrir chaque syllabe comme la promesse d’un chaleureux festin. La densité du timbre y est au travail, imprégnée d’âme et de nature autrichiennes.
Le public, venu nombreux, participe comme il se doit, par ses battements de mains, aux séquences indiquées par le chef, à l’interprétation de la Marche de Radetzky. Ce geste se transforme en applaudissements nourris, qui obtiennent cet opus en bis : offrande rituelle à l’an neuf, communion festive et jubilatoire.
Magnifique soirée Concert du Nouvel An de l ´orchestre Philharmonique de Marseille pic.twitter.com/slEBGFGeIb
— Romy21T (@Romy21T) 12 janvier 2023