Marie-Nicole Lemieux à Aix-en-Provence : un hymne au père Noël
La contralto québécoise apparaît sur scène, entre des pièces symphoniques hautes en couleur et en intensité, au sein d’un programme festif d’une originale cohérence. L’opéra, ses ouvertures et airs de bravoure, le ballet et ses suites chorégraphiques, le chant sacré et son ancrage populaire, semblent avoir été assemblés, par la chanteuse et son chef d’orchestre, pour s’adresser au public aixois et faire vibrer en profondeur le territoire provençal. De fait, extraits de Rossini, Gounod et Bizet, et d’auteurs moins célèbres – Max Reger, Adolphe Adam – et d’autres encore, qui ont signé des cantiques de Noël gravés dans les mémoires d’enfant de chacun, allument la guirlande d’un sapin musical.
Si Marie-Nicole Lemieux apparaît en majesté et robe noire en première partie, elle revient en deuxième partie, à l’heure des cantiques, en robe pailletée de rouge et petits sapins verts en boucle d’oreille, manifestant par quelques mimiques et mots complices, son intention de célébrer, pour le temps d’un récital, un Noël qui la replace dans ses émois d’enfance au Québec. Elle ne peut s’empêcher, dit-elle, de dialoguer avec le public, lui annonçant pour commencer, sa joie de chanter pour la première fois à Aix-en-Provence. Suit un carrousel de paroles, gestes, mimiques, de l’ordre de la pantomime, notamment avec le chef d’orchestre, par lequel elle joue avec bonheur sur les codes du concert classique. Le chef chante en écho à certaines de ses phrases, ébauche avec elle une danse, dirige le public, retient l’orchestre pour opposer à la chanteuse ses silences, tel un véritable complice digne de la commedia dell’arte.
La contralto québécoise installe à l’avant de l’orchestre le point de départ d’une voix pleine, ample et modulée. Ses différents registres, qu’elle déploie avec aisance, racontent des histoires parfois truculentes ou célébrant la Nativité. Elle émaille ses parties de mimiques, de gestes et de roulades – suggestifs ou extatiques – selon le programme, afin de construire de véritables personnages. Chaque entrée dans la musique est préparée par son visage souriant et recueilli, sa posture de statuaire, qu’animent ensuite de grands gestes généreux. Ils dessinent ses parties vocales dans l’espace, et font écho aux saisissantes et intempestives modulations de dynamique, de registre et de vibratos que la chanteuse accorde à ses partitions.
Le timbre rare et saisissant de son grave n’empêche pas la chanteuse de projeter vers les cintres de solides aigus. Elle sait entrer dans le vif de la noirceur lumineuse de sa tessiture, en levant souvent les yeux vers le ciel. Le grain doré de sa voix parsemé pour l’opéra de brusques saillies fortissimo et de longues tenues legato, se praline pour entonner des chants de Noël traditionnels, en plusieurs langues. Les anges de nos campagnes se déroule, à la demande de la chanteuse, en un jeu de questions-réponses avec le public qui, jouant le jeu, est vivement applaudi par les musiciens. « C’est parfait » dit-elle !
La direction du chef Adrien Perruchon s’exprime avec un grand naturel gestuel, comme parlant avec les mains avec l’orchestre. Même ses larges mouvements de rotation ou d’expansion, ne se départent pas d’une certaine rigueur. Les dynamiques sont équilibrées, notamment dans les contrastes et les crescendos de timbre et de rythme que réclament les pages du programme en habit sonore de fête, des grandes plages planantes aux des fanfares serrées et suites pétillantes.
Suite à la demande chaleureuse et pressante de bis de la part du public, la diva propose, depuis ses souvenirs d’enfance, une version majuscule, somptueusement orchestrée et lyrique, de Petit papa Noël pour combler le programme et l’esprit des fêtes.
captation du concert à Radio France :