La Chauve-Souris facétieuse à l'Odéon de Marseille
La mise en scène de Jacques Duparc est placée sous le signe de l'humour, émaillée de gags, facéties, jeux de mots, adaptations et anachronismes (avec une mémorable imitation du Général de Gaulle).
Jacques Duparc incarne d’ailleurs le rôle de Léopold, gendarme et gardien de la prison. Il extirpe une souris nommée “Mazurka” du décolleté d’Arlette, déguisée en Olga, ou récite : “bonjour Monsieur le Cognac”, à la place de “bonjour Monsieur du Corbeau.” Le public marseillais éclate de rire par moments (et montre même sa culture et son ouverture vers l'Île-de-France en répondant à Léopold disant "à Pontoise" : "en Seine-et-Oise").
Les décors sont relativement sobres : le rideau se lève sur un salon avec un escalier central, entouré par deux colonnes. Au premier plan, des canapés et fauteuils, en arrière plan une tapisserie accrochée au mur. Un tableau évoque les impressionnistes, en particulier le Déjeuner sur l’herbe. Deux statues de lion veillent sur l’escalier. Des chandeliers ornent une commode et des grilles seront ajoutées à l’acte III pour évoquer la prison.
Les interprètes de La Chauve-Souris sont aussi bien acteurs et quelques pas de danse leur sont réservés, assurant une dynamique constante. Les parties vocales sont souvent chantées en trio ou en quatuor, avec apparente facilité.
Une voix sort des coulisses, c’est Alfred, interprété par Christophe Berry, qui vient retrouver son ancienne conquête, Caroline. Sa voix de ténor à l’émission haut placée, au timbre clair et au vibrato ample, entonne une mélodie récurrente durant le premier acte et pendant son séjour en prison.
Caroline, épouse de Gaillardin, est incarnée par Perrine Madoeuf (qui remplace Jennifer Michel). Sa voix souple possède un vibrato ample dans un grave moelleux, un médium rond à l’agilité expressive, avec des vocalises fluides et naturelles dans l’aigu. Le souffle ne se relâche pas, en particulier dans la czardas, chantée durant le bal où elle est déguisée en comtesse hongroise, ornée de son loup en velours noir.
Ève Coquart incarne sa soubrette bien coquine : Arlette, transformée en Olga chez le Prince Orlowsky, chantant “pour un marquis” d’une voix nuancée aux graves timbrés, à la ligne vocale bien articulée, menant à des envolées virtuoses dans le registre aigu.
Florian Laconi campe un Gaillardin truculent, victime de la vengeance de La Chauve-Souris. Il arpente la scène en caleçon et chaussettes (avec tire chaussettes). Ce Gaillardin “outragé, brisé, martyrisé, libéré” est un ténor à l’émission haut placée et brillante, qui offre une palette de nuances abondante. Le texte est parfaitement articulé, des crescendi de grande ampleur conduisant à des fortissimi très denses.
Philippe Ermelier incarne son ami Duparquet, organisateur de la farce, exprimant sa malice et son autorité d’une voix timbrée, souple, mais puissante, avec un texte totalement compréhensible, respectant avec précision la rythmique de sa ligne vocale.
Le rôle de Tourillon, nouveau directeur de la prison, échoit à Jean-François Vinciguerra. Son intonation large et chaleureuse de baryton-basse, à la diction irréprochable et à la rythmique précise, campe ce personnage sérieux, qui sera alcoolisé et déjanté, pour enchaîner gags et plaisanteries à foison.
Dominique Desmons campe l’avocat Bidard, au timbre légèrement feutré mais à la diction claire et au phrasé soigné.
Les protagonistes de cette facétie se retrouvent chez le Comte Orlowsky, interprété par Alfred Bironien, ténor à la voix projetée et au timbre lumineux, qui articule avec efficacité les dialogues et les airs, en conservant un accent hongrois non dénué d’humour.
Le Chœur Phocéen (dans lequel chante Davina Kint en Flora), vêtu de toges romaines, est très souvent en mouvement. Ses interventions sont efficaces et pétillantes, homogènes, brillantes et harmonieuses, particulièrement précises sur le plan rythmique (suivant le rubato et les accélérations traditionnelles de la valse, grâce à la direction musicale du chef d’orchestre).
De sa baguette, Emmanuel Trenque emporte dès l’ouverture les auditeurs dans le tourbillon de la valse. Les différents pupitres interviennent avec synchronisation et de nombreuses rythmiques variées. Une partie mélodique nuancée émane des solos de hautbois, flûte et clarinette.
Le chœur final : “chauve-souris, chauve-souris” est chanté par tous dans la prison. L’opérette se termine dans une euphorie collective, les artistes sont chaleureusement applaudis, permettant une deuxième exécution de l’ultime ritournelle, scandée par les battements de mains du public marseillais enchanté.