Les Béatitudes viennent clore à Liège le Bicentenaire César Franck
L’Orchestre Philharmonique Royal de Liège a consacré une bonne part de sa programmation ces deux dernières années au Bicentenaire de la naissance le César Franck, natif de la ville, en ressuscitant notamment son opéra Hulda (notre compte-rendu).
Œuvre couramment exécutée et consacrée jusqu’à la deuxième guerre mondiale, Les Béatitudes, à de rares exceptions près, a depuis disparu des scènes de concert et du répertoire des églises. Il est vrai que cet oratorio qualifié de Montagne sonore par le musicologue et biographe du compositeur Joël-Marie Fauquet, nécessite l’emploi d’un vaste orchestre philharmonique, de chœurs particulièrement solides qui constituent la colonne vertébrale de l’œuvre et rien moins que 8 solistes vocaux. L’Orchestre Philharmonique Royal de Liège s’est doté des moyens indispensables pour une exécution de haute qualité, qui fait par ailleurs l’objet d’un enregistrement à paraître en 2023 par le label Fuga Libera. Ces Béatitudes qui se répartissent en huit mouvements précédés d’un court prologue, s’inspirent des Évangiles de Matthieu et de Luc. Elles véhiculent en premier lieu la foi ardente et constante du compositeur. Le livret en a été rédigé par Madame Colomb alias Joséphine-Blanche Bouchet, jeune femme de lettres qui se fera connaître plus tard pour ses écrits pour la jeunesse. Le texte répétitif se trouve exalté par la musique qui atteint à sa plénitude dans les exigeantes interventions chorales, partagées en parties célestes et parties infernales. Chaque Béatitude se présente en effet comme un triptyque qui mêle le chœur, vantant selon le cas, les turpitudes ou vices du monde ou l’élévation des âmes avec à chaque fois le Christ en figure centrale qui apaise et guérit et les solistes vocaux (qui interviennent de façon plus ou moins sporadique selon le cas).
David Bizic a la lourde charge d’incarner le Sauveur. Sa franche voix de baryton souple et très colorée, impérieuse ou plus intime, donne sa dimension Christique. Le soprano élégant aux belles envolées lyriques d’Anne-Catherine Gillet trouve à s’épanouir avec une sorte de fièvre dans l’incarnation de la première Voix céleste ou de l’Ange du Pardon. Les deux voix graves féminines marient également leurs riches contrastes. La mezzo-soprano Héloïse Mas en Mater Dolorosa déploie une ligne de chant intense et imprégnée de colorations endolories de caractère. Même si les parties réservées au contralto apparaissent plus brèves, Eve-Maud Hubeaux s’impose par la richesse de son legato et la profondeur d’un timbre qui imprègne tout son chant. Des deux ténors présents, Artavazd Sargsyan se distingue dès son intervention dans le Prologue où la voix s’élève avec facilité, une vraie clarté d’ensemble et un investissement voire une émotion palpables qui captivent. Son collègue, le ténor John Irvin semble moins impliqué, plus distant d’attitude, même si les moyens vocaux sont effectifs, notamment au niveau de l’aigu ici assez sollicité. Patrick Bolleire incarne notamment la figure du Mal, Satan en personne. Sa vaste voix de basse résonne avec intensité et une rare efficacité, donnant au personnage toute sa grandeur infernale, même s’il se trouve rapidement désarmé par l’apparition du Christ. La seconde basse aux graves puissants et particulièrement sonores mais à l’accent assez marqué, Yorck Felix Speer, n’apporte pas les mêmes adéquations esthétiques.
Le Chœur National Hongrois dirigé par son chef Csaba Somos, offre une masse vocale remarquée, très investie, déployant des couleurs chatoyantes et un sens réel du phrasé, même si l’accent hongrois revient résonner de temps en temps.
Placé à la tête de l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège et devenu ardent défenseur de la musique de César Franck, Gergely Madaras déploie des trésors de goût et de compréhension. Les mouvements plus larges succèdent aux mouvements plus intériorisés de façon naturelle, sans heurt et surtout toujours investis par une juste sensibilité qui ne bascule jamais dans le pathos.
Le public liégeois, qui n’avait pas entendu Les Béatitudes depuis plus de trente ans, réserve un superbe accueil à ce concert dans la Salle Philharmonique de Liège qui rend un hommage majeur à son illustre compositeur.