Résurrection concertante de Mahler avec Klaus Mäkelä à la Philharmonie de Paris
La jeunesse et l’enthousiasme de Klaus Mäkelä balaie tout sur son passage. Il propose une vision monumentale de l’œuvre, fort impressionnante dans toutes ses composantes, jusqu'à l'excessif au mouvement final qui se transforme en immense déflagration tellurique, mais ô combien diablement excitante. Les musiciens de l’Orchestre de Paris le suivent sans aucune restriction jusque dans ses débordements et ses extrêmes. Les cordes et l’harmonie se donnent avec amplitude vers cette soif de musique inexorable où Klaus Mäkelä les entraîne.
Cette vaste symphonie conduit ainsi l’auditeur des marches de la mort à la résurrection et au jugement dernier. Le pléthorique premier mouvement engage de façon fascinante tous les pupitres de l’orchestre en une sorte de chaos perpétuel mais intensément maîtrisé. Les trois mouvements suivant conçus comme des intermezzi plus variés semblent évoquer les épisodes forts contrastés de la vie même de Mahler, de l’expression de bonheur, aux visions cauchemardesques jusqu’à la période méditative qui précède la Résurrection finale.
Suite au décès prématuré en octobre dernier de Philippe Aïche, c’est la talentueuse Jennifer Gilbert violon super soliste de l’Orchestre National de Lyon qui tient en invitée la place de premier violon solo, avec vaillance, soutenue par l’ensemble des musiciens de l’orchestre.
La voix de contralto introduite par Mahler sur le quatrième mouvement, Urlicht - Lumière originelle permet au public parisien de retrouver Wiebke Lehmkuhl, Erda de la Tétralogie à l'Opéra de Paris confiné. Son chant se déploie avec ferveur et une noblesse de ton continue. Le legato, le métal de cette voix riche et profonde, le souffle même, nourrissent la gravité de son intervention.
Le soprano lumineux de Mari Eriksmoen intervient en complet phasage avec les chœurs dans le dernier mouvement, celui donc de la Résurrection. Le duo alto/soprano "O, douleur, toi qui imprègnes tout" réunit les couleurs vocales et les styles des deux cantatrices dans la plénitude du message. La voix pulpeuse de la première s’allie à la voix souple de la seconde au service des subtilités de la musique de Mahler. Le Chœur de l'Orchestre de Paris fait preuve d’une cohésion remarquée des pupitres. La chaleur de leur prestation, leur maîtrise du sujet, marque le travail de fonds effectué sous la direction de sa cheffe, Ingrid Roose.
Le public de la Philharmonie réserve un triomphe à cette exécution mémorable de la Symphonie Résurrection. En première partie, une courte nouvelle pièce symphonique de Betsy Jolas intitulée Latest était donnée en première mondiale. La compositrice nonagénaire, présente dans la salle, emploie toutes les ressources de l’orchestre qui lui sont offertes, utilisant sans parcimonie les percussions et même les voix des musiciens lors de la note finale.