Purcell et Les Arts Florissants implorent miséricorde à la Cité de la Musique de Paris
Hear my prayer, le titre du concert, reprend l’intitulé d'une des pièces du programme dédié à la musique religieuse d’Henry Purcell, répertoire intimiste qui en appelle à la miséricorde de Dieu. Lors de sa présentation, Paul Agnew exprime son admiration pour la musique du maître anglais sans se départir d’une note humoristique (so British!) « Je suis écossais, et le seul élément anglais dont je suis jaloux est la musique de Purcell ». Il poursuit en expliquant que l’homme est un grand génie, davantage connu pour sa musique scénique alors qu’il a passé sa vie à jouer et à composer des œuvres pour la Chapelle Royale à Londres.
S’ensuit alors, une suite d’anthems (compositions liturgiques) présentant Les Arts Florissants dans une variété combinatoire sans cesse renouvelée : les full anthems font entendre le chœur a cappella alors que les verse anthems présentent une alternance de passages en chœur et de parties solistes. L’orgue assume la basse continue et l’ensemble instrumental accompagne ou évolue seul lors de Sinfonie et d’extraits de Sonates.
La direction de Paul Agnew apparaît dès lors aussi vivante et animée que sa prise de parole en début de concert. Aucun statisme n’est de mise, les phrasés avancent dans une conduite en perpétuelle évolution. Le tempo subit d’infimes fluctuations en fonction de l’expressivité voulue et ses gestes respirent, rappelant le chanteur avant le chef.
Le chœur des Arts Florissants résonne alors dans toute sa plénitude, les voix s’accordent et sonnent comme un orgue aux arrivées cadentielles. Le texte est affirmé, soulignant le pathétique, les consonnes assumées créant le relief des phrases. La justesse impressionne, les dissonances du canon Miserere mei devenant d’intenses supplications. Les nuances semblent infinies, du plus lointain pianissimo au début de Hear my prayer, les voix se réunissent ensuite pour exprimer l’intensité des pleurs (« let my crying come unto thee »). Les voix des sopranos se joignent dans une homogénéité d’émission, une proximité de timbre, l’absence de vibrato étant favorable à l’expression de l’imploration. Les soli confiés à quelques-uns apparaissent comme de nouvelles couleurs, lumineuse pour le ténor Sean Clayton, atténuée pour le contre-ténor Yann Rolland et rutilante de graves pour la basse Geoffroy Buffière en dépit toutefois d’une vocalité parfois brouillonne.
La fin du concert surprend l’auditoire dans un état d’écoute hypnotique, le temps suspendu rompu par les applaudissements reconnaissants. Nul besoin d’implorer les artistes qui offrent en bis la reprise du Miserere mei à un public comblé.