Talents lyriques et sonores au concert de gala du Fonds Tutti
Ce Programme Tremplin du Fonds Tutti permet à huit chanteurs de moins de 35 ans (souvent sans le soutien qu’offrent les grandes écoles de formation), d’être accompagnés professionnellement et artistiquement. Chaque jeune chanteur est ainsi épaulé par un mentor, et non des moindres, se produisant ce soir dans des duos, des trios et des ensembles, effaçant de manière sympathique la distance entre chanteur reconnu et jeune professionnel.
L’exercice permet d’apprécier les mérites de chacun, dans une atmosphère bienveillante. Alexandre Baldo ouvre le bal avec Lyriel Benameur et Mathias Vidal dans le trio de La Flûte Enchantée. Son Sarastro fait entendre un timbre de baryton-basse, rond et élégant, presque droit, aux graves encore un peu légers, alors qu’à ses côtés Lyriel Benameur déploie un instrument clair et juvénile, presque fragile mais qui ne manque pas de grâce comme dans le duo de La Clémence de Titus qui suit.
Viennent ensuite Antoin Herrera-López Kessel et Elsa Roux-Chamoux, pour “Là ci darem la mano”. Le baryton maîtrise son affaire : la voix est très homogène, un peu en arrière, le timbre possède un beau métal et l’artiste est à l’aise sur scène. Dans un renversement donc par rapport à la veille (preuve que la musique est un art vivant), il semble parmi les plus prêts aujourd’hui pour une carrière, même s’il pourrait transposer davantage de son énergie en passant au Comte. La mezzo quant à elle possède un timbre séduisant et moelleux, un peu voilé ce soir, avec une présence aimante et un registre grave qu’elle fait entendre davantage dans le trio de Carmen.
La mezzo Astrid Dupuis aborde “Dunque io son” du Barbier de Séville avec un certain abattage scénique, sa technique sûre, son timbre chaleureux parfois un brin nasal. Le son est rond jusqu’à l’aigu, la projection un peu retenue, surtout en comparaison de son Figaro mentor Étienne Dupuis mais toute sa soirée confirme sa sensibilité artistique.
Camille Chopin dialogue pleinement avec sa marraine Nicole Car dans le duo “Sull’aria” : la voix légère de celle-là possède une couleur lumineuse, très “fraîche” et homogène mais au service de l’impertinence ancillaire, parvenant facilement jusqu’aux aigus et donnant envie d’en entendre davantage. C’est ensuite Anouk Defontenay qui s’avance aux côtés de Clémentine Margaine pour le duo “Son nata a lagrimar” du Jules César de Haendel.
Son Sesto est très crédible, le son est droit avec parfois un vibrato un peu serré, le timbre élégant brille jusque dans les graves, et la chanteuse semble soucieuse des mots, au service de la crédibilité du personnage. Comme la veille, le théorbe éloquent d’Élodie Brzustowski est présent pour accompagner le “Pur ti miro”, avec Camille Chopin et Anouk Defontenay.
Enfin Claire de Monteil chante Frasquita avant Marguerite aux côtés de Mathias Vidal et de Nicolas Courjal. La soprano fait valoir des aigus sûrs et percutants, avec un engagement musical, mais un medium toutefois plus léger qui interroge un peu sur le choix de Faust.
Les huit mentors (Marie McLaughlin étant remplacée ce soir par Anne-Sophie Duprels, Marceline sonore dans le sextuor des Noces) se prêtent généreusement au jeu du duo avec leurs cadets, mais une différence saute aux oreilles : le volume et l’engagement général du corps dans le chant. Rien d’étonnant, c’est aussi le temps et l’exigence de la scène qui permettront aux jeunes chanteurs d’affirmer leur projection, a fortiori face à ces mentors expérimentés. À ce jeu-là, le ténor Marco Berti claironne dans le duo de L'Élixir d’Amour, comme il domine très (trop) largement le volume sonore pour le trio du Trouvère.
La puissance frappe aussi en entendant Clémentine Margaine, respiration sonore pour donner le maximum dans les graves poitrinés de Carmen, le timbre un peu nasal et voilé ce soir, les aigus néanmoins assurés dans le duo de La Gioconda. Duo où elle affronte Anna Pirozzi, elle aussi tous décibels brandis dans cet Amphithéâtre de Bastille, du grave à l’aigu, avec un bas medium plus feutré, et un timbre tranchant. Mathias Vidal quant à lui se coule sans peine dans les phrases de Tamino, mêlant la couleur dorée de sa voix aux divers ensembles, comme Nicolas Courjal au chant puissant et un peu brusque.
Le couple Étienne Dupuis et Nicole Car (qui chantera Carmen dans la grande salle le mois prochain) livre un duo final d’Eugène Onéguine poignant : lui garde quelque chose de son Figaro, voix claire, bien projetée, chant facile et séduisant, elle, commence un peu plus timidement mais la voix prend ensuite son ampleur avec des aigus particulièrement radieux et un vrai soin des mots. Leur complicité scénique en fait oublier le cadre du concert.
Au piano, Cécile Restier et Selim Mazari se succèdent, attentifs aux jeunes chanteurs, se mettant par moments côte à côte pour affronter à quatre mains les décibels des solistes plus expérimentés. Leur engagement contribue à l’épanouissement des promesses de cette soirée, chaleureusement applaudie.