La Bohème Vintage d’Harry Kupfer charme toujours Vienne
Les directions scéniques d’Angela Brandt, qui assure la reprise de cette production inaugurée en 1984 à la Volksoper de Vienne, mettent en avant la fluidité des mouvements et un continuum entre les actes. Les décors de Reinhart Zimmermann délimitent clairement l’espace de l’intimité et le reste de la scène sans perdre l’impression de largeur et de profondeur. Dans le deuxième acte, le plateau se transforme en tableau romantique d’une scène de la vie parisienne, avec ses cafés, ses fêtes de rue et beaux costumes signés Eleonore Kleiber mais le troisième acte n’hésite alors pas à vider la scène pour une focalisation sur le conflit amoureux entre Mimì et Rodolfo.
Rebecca Nelsen campe une Mimì attachante et humaine, sans trop souligner le pathétique du personnage. Le timbre équilibre la chaleur et la brillance dans tous les registres qu’elle délivre avec aisance. Rien n’est forcé, dans la voix comme dans le jeu, dans les élans comme dans les expressions les plus tragiques de la tristesse.
Tout aussi aisé dans le rôle et dans le chant pour former un couple harmonieux, le ténor sud-coréen JunHo You satisfait bien avec son timbre à l’exigence lyrique de Rodolfo (avec de plus une fierté particulière propre à un registre héroïque). En outre, sa diction italienne impressionne.
Lauren Urquhart est une coquette et adorable Musetta, sa légèreté de chant n’écartant pas complètement la densité du timbre dans les montées. Elle sait maintenir l’équilibre entre la légèreté dans les syncopes et la puissance dans les élans, qui ne semblent jamais exagérés.
Alexandre Beuchat en Marcello met en valeur la puissance de son chant et les sautes d’humeurs du personnage (par un humour apprécié de la salle et qui l’éloigne d’une vision trop sinistre du personnage). Le timbre rond et sombre est aussi naturellement remarqué avec le chœur et les autres solistes.
Les rôles secondaires sont également en vue. Yasushi Hirano (Colline), d’un timbre sombre et solide, maximise chacun de ses moments avec puissance et efficacité. Szymon Komasa (Schaunard) déploie avec contrôle l’épaisseur lyrique de son chant. Marian Olszewski montre une badinerie énergétique en Parpignol avec le chœur, par ailleurs plein d’enthousiasme dans la scène de la fête de rue. Daniel Ohlenschläger (le propriétaire Benoît) a de temps d’être présent avec un timbre chaleureux. Morten Frank Larsen (Alcindoro, vieil amant de Musetta) livre un chant criard et syncopé avec vivacité et surtout un grand sens de l’humour (son ironie rendant ici de l’intérêt à ce caractère sinon abusé).
L’Orchestre sous la direction d’Alexander Joel fournit un accompagnement musical digne de la force dramatique du drame. La masse sonore se caractérise par une mise en relief de la densité lyrique, puisée et fondue dans les différents registres des cordes. Les moments décisifs sont soulignés avec goût et élan, sans jamais tomber dans une exagération mélodramatique.
La soirée est accueillie par un grand enthousiasme et des ondes de « bravo » adressées aux solistes.