Gloire aux Seigneurs par Les Arts Florissants à la Philharmonie de Paris
Rarement les trompettes auront autant retenti à la Philharmonie de Paris. Et le chœur de proclamer « God Save the Queen! », «The King Shall Rejoice! » dans les pièces de Haendel louant son amie et protectrice la reine Caroline et le roi Georges II d’Angleterre. Les trompettes sonnent également la victoire de Jésus Christ sur la mort et le chœur de proclamer « Triumph! » et « Halleluja! » au cours de l’oratorio de Telemann, Die Auferstehung und Himmelfahrt Jesu, célébrant La Résurrection du Christ et son Ascension.
Avec ce programme, William Christie honore également la musique de deux correspondants et amis, deux Georg, deux compositeurs majeurs du XVIIIème siècle : Haendel, de renommée internationale et Telemann, de notoriété plus discrète, ayant cependant à son actif un catalogue conséquent et un talent reconnu par ses pairs. L’écriture de Telemann (capable selon Haendel d’écrire une musique à huit voix comme une lettre) est également remarquée dans son utilisation variée des timbres instrumentaux, chaque air sollicitant un instrument ou un pupitre particulier, mettant en valeur l’expertise des musiciens des Arts Florissants. Le pupitre des trompettes est apprécié dans sa justesse et sa précision. Les cordes arborent tout d’abord des graves moelleux (introduction sombre de la pièce de Telemann), puis les archets s’animent et les cordes se pincent selon la nature du message délivré. L’instrumentation s’enrichit du timbre des cors, des hautbois et des flûtes pigmentant les pages de Telemann.
La patte William Christie se fait sentir dans la cohérence des voix, aussi bien des solistes que celles du chœur, bon nombre ayant suivi son enseignement à un moment donné : parmi eux, certains sont d’anciens stagiaires des Arts Flo Juniors, d’autres d’anciens étudiants de la Juilliard School de New York et cinq des solistes (sur six) sont d’anciens lauréats de l’Académie du Jardin des Voix. La cohésion sonore s’impose, le chœur fait entendre des parties chorales brillantes, une diction irréprochable et des parties contrapuntiques claires et précises.
Les solistes interviennent dans une communion sonore et un désir de faire passer le texte précisément. Le timbre riche et grave de Padraic Rowan sied au personnage de Jésus qu’il incarne intensément. Il est habité lorsqu’il évoque le grand bouleversement de la Judée au moment de la résurrection, chacune de ses interventions étant accompagnée d’une puissance dramatique.
C’est avec une grande sensibilité qu’intervient le contre-ténor Hugh Cutting délivrant la douce imploration « When thou took'st upon thee » (quand tu as pris sur toi de délivrer l’homme), la suavité de son timbre se mêlant à celui du traverso et créant une enclave de tendresse parmi les acclamations triomphales de la pièce. Ses talents de conteur animent la narration du calvaire de Jésus et son accroche vocale permet un dialogue avec les trompettes afin d’annoncer la résurrection.
À l’instar de sa volonté de suivre le Christ, le ténor Moritz Kallenberg mène son phrasé sans relâche. Sa voix claire atteint les hauteurs en préservant l’homogénéité de l’intensité et ses vocalises de louanges demeurent précises et ciselées dans le Te Deum de Haendel.
C’est avec grande attention que Matthieu Walendzik évoque le rayonnement de la joie de la divinité, ses vocalises détachées témoignent de son souci de précision qui peut être parfois accompagné d’une certaine tension corporelle. Néanmoins, son engagement touche et il délivre le texte au plus près à l’aide de consonnes percutantes.
La soprano Emmanuelle de Negri (Marie) investit chacune de ses interventions, et, si la voix semble quelque peu atténuée, elle compense par une projection du texte, et un engagement dramatique sensible. À ses côtés, la soprano Gwendoline Blondeel semble plus contemplative mais sa voix parvient dans tout son éclat sans effort apparent. Ensemble, elles délivrent l’attendrissant duo “Vater deiner Schwachen Kinder” (Père tes faibles enfants) frottant délicatement leurs voix sur les dissonances pour ce chant de consolation.
À l’Halleluja final répondent les applaudissements éclatants du public, et comme à tout seigneur tout honneur, William Christie fait reprendre Zadok the Priest qui achève la soirée sur des notes triomphales.