Un Requiem Allemand touchant et marquant par le Chœur de Radio France
Conscient de l’événement, le public est venu nombreux en ce dimanche après-midi à l’Auditorium de Radio France pour la prise de poste effective de Lionel Sow comme Directeur musical du Chœur de Radio France (au deuxième concert Chorus Line de cette saison). Cet événement s’inscrit dans la continuité : Lionel Sow a collaboré dès 2005 avec ce Chœur mais en chef invité, et il dirige là un chef-d’œuvre au chœur du répertoire choral et de cette phalange, Un Requiem allemand de Johannes Brahms, ici dans sa version avec deux pianos. Très différente de la version orchestrale, cette configuration plus intimiste valorise la finesse déjà expressive du travail déjà effectué, comme en témoigne la gestuelle de Lionel Sow, investie et affirmée d’une autorité bienveillante et toujours sensible, jamais démonstrative.
Dès les premières phrases, a cappella et indéniablement émouvantes (“Selig sind, die da Leid tragen” Bienheureux ceux qui souffrent), les couleurs du piano espressivo émergent avec transparence. Si les attaques des choristes ne sont pas parfaites (ils sont certes en nombre, proches de -ou dépassant- la dizaine dans chaque division des pupitres : Sopranos, Altos, Ténors et Basses, 1 et 2 pour chaque), l'ensemble manifeste néanmoins la préparation d’un soin très attentif à l’équilibre fondamental entre beauté individuelle des voix et homogénéité d’ensemble. Quelques-unes ressortent certes légèrement parfois, surtout parmi les basses où la profondeur des timbres accuse facilement une langueur qui retarde leur émission. Mais les parties les plus alertes et notamment celles à l’écriture plus contrapuntique, sûres et bien articulées, montrent l’aisance musicale et technique du chœur. Cette intensité se retrouve tout autant dans les puissants moments en homophonie, alors que les fugues pourront gagner nettement en netteté incisive.
Le baryton soliste Christian Immler fait preuve d’une présence naturelle, expressive avec équilibre. Sa voix riche et puissante, parfois profonde, rayonne aisément dans la salle. Ses phrasés longs et néanmoins précis sont rehaussés par une diction très agréablement soignée. La soprano Chiara Skerath, remplaçant Raquel Camarinha, propose -pour “Ihr habt nun Traurigkeit” Vous aussi, à présent, vous connaissez la peine- une interprétation très proche de la prière, presque implorante, avec un vibrato discret et serré. Son timbre fin se dote d’un soupçon d’âcreté pour des aigus loin de toute rondeur exubérante (mais qui pourraient gagner en déploiement et maturation pour incarner encore davantage une mère consolant son enfant).
Les deux pianistes Tanguy de Williencourt et Geoffroy Couteau soutiennent l’ensemble avec une précision impeccable, dans un touché particulièrement net, sans trop de pédale (voire pas). Ils accompagnent ainsi avec une grande finesse des phrasés conduits avec souffle et une transparence du discours. Bien qu’ils parviennent aussi à faire ressortir quelques mélodies avec pertinence, ils apportent surtout un soutien au chœur tout en lui laissant pleinement la place.
Lors des saluts, les bravi fusent et les applaudissements nourris réclament même un bis (qui ne peut être offert), manifestant le bonheur d’entendre le Chœur de Radio France ainsi, et les espoirs de ce nouveau mandat.