Petite Messe Solennelle pour un grand concert inaugural aux Invalides
Chef-d’œuvre quasi testamentaire du compositeur renommé l’opéra buffa et du bel canto, la Petite Messe Solennelle est un manifeste pour Rossini, avec force reliefs grâce aux interventions majestueuses de l’orchestre et celles plus dépouillées du chœur, magnifiant ainsi les parties très lyriques des solistes. De quoi richement inaugurer la nouvelle Saison musicale de l’Hôtel national des Invalides devant le public venu très nombreux, remplir la Cathédrale Saint Louis (« écrin privilégié » des concerts du Musée de l’Armée, comme le rappelle à très juste titre Christine Dana-Helfrich, Conservateur en chef du patrimoine et chef de la Mission musique au musée de l'Armée qui nous présente sa saison en long format).
Le ténor Florian Cafiero remplacé la veille, cède la place à Paul Gaugler, ce qui ne se remarque que par quelques micro-décalages d’intention avec l’orchestre. Le chanteur ne manque en effet pas d’assurance. Son timbre riche, au registre grave agréablement assombri, porte avec vaillance le Domine Deus. La soprano Raquel Camarinha propose de beaux phrasés, conduits avec une sensibilité retenue. Sa voix légère se fait douce et subtile, sans contrastes trop saisissants (à propos pour une œuvre sacrée mais qui est aussi une sacrée œuvre et demande aussi davantage de lyrisme bel canto). La mezzo-soprano Ambroisine Bré offre un chant à la sensibilité un peu différente, non moins retenue mais avec la touche supplémentaire de chaleur que lui offre sa voix caressante. Elle possède également de brillants aigus qui charment autant que son Agnus Dei, expressif avec justesse grâce à une conduite sensible de ses phrasés. Enfin, Paul Gay impressionne immédiatement son auditoire par la puissance et la profondeur de sa voix, interprétant avec une sorte d’impériosité le Quoniam, reflétant son expérience et sa maîtrise du texte. Il n’a pas à lutter contre la puissance des cors, mais de fait l’intensité de sa voix prend parfois le dessus sur ses collègues au lieu de les soutenir.
Le Chœur régional Vittoria d’Île-de-France s’avère heureusement un pilier souvent sûr, tout en faisant entendre un beau son d’ensemble. Quelques voix se détachent légèrement dans les attaques mais, au fil de la soirée, le chœur gagne rapidement en homogénéité, proposant des intentions nuancées et sans crainte. Préparés avec rigueur par leur chef Michel Piquemal, les artistes du chœur, bien qu’amateurs, font preuve d’une diction très soignée et ainsi très appréciable dans les parties contrapuntiques. La cheffe Lucie Leguay privilégiant des tempi équilibrés et qui avancent sans risquer la précipitation, rend l’effervescence patente sans que le son ne tourne trop dans la vaste et généreuse cathédrale. Particulièrement attentive aux propositions des solistes, ainsi qu’aux départs de chacun, Lucie Leguay est toujours très active et impulse, autant au chœur qu’aux musiciens du Münchner Symphoniker, un souffle constant. Elle se montre fort soucieuse de servir les chanteurs solistes, particulièrement Paul Gaugler avec lequel les répétitions ont certainement dû être très brèves, même s’il lui faut le suivre afin d’éviter tout décalage. Les instrumentistes se montrent réactifs et précis, accompagnant avec finesse et offrant aussi des moments majestueux. Philippe Brandeis, organiste titulaire de Saint-Louis des Invalides, interprète depuis les tribunes un Offertoire aux phrases bien distinctes, parfaitement conduites, offrant ainsi ce prélude comme une respiration au milieu des forces orchestrales.
L’envie le démangeait parfois au milieu de l’œuvre après un mouvement aux élans grandioses, alors le public déploie toute la chaleur de ses applaudissements à la fin de cet aperçu du Paradis selon Rossini.