La petite sirène contée à Ambronay
Sur cette scène aux lumières bleues et ocre, les trois interprètes, assis chacun à équidistance, à côté de leur instrument, proposent leur version de La petite sirène aux enfants – car c’est à eux qu’est réservé le concert. Cette œuvre, au carrefour entre musique, chant, conte et poésie, est leur troisième création, après La belle au bois dormant et Hansel et Gretel, également présentés Ambronay. Alternant entre narration, dialogue et intermèdes musicaux, ils racontent l’histoire de cette petite sirène rêvant d’être marin et ayant elle-même, à son insu, éveillé la passion d’un autre marin pour elle.
C’est la musique qui sert de décor à cette fable théâtrale, notamment par la présence, en fond, du théorbe et des diverses percussions qui reproduisent les sons de la mer : le tambour océan pour le flux et le reflux des vagues, les cloches pour les mâts, le rammerdrum, et la scie musicale pour le chant des baleines. Les harmoniques du théorbe quant à elles, expriment les passages sous la mer. Dans les intermèdes musicaux, entre les scènes, ils sont rejoints par le violon et produisent une musique évoquant les voyages et l’océan, d’inspiration, semble-t-il, gaélique, mêlée à des sonorités plus baroques, notamment évoquées par le théorbe. Quant au chant, il montre la joie de la mer et de ceux qui voguent sur ses eaux.
La narration incombe à Audrey Daoudal, qui interprète également la petite sirène et un des marins, ami du malheureux amoureux. C’est d’une voix claire, aérée, qu’elle dit et joue son texte, et déclame – un peu rapidement pour les enfants – ses monologues où elle évoque toutes les merveilles du monde hors de la mer, et la voix de la mer qui emporte les marins à la fin, dans l’une des plus belles tirades de l’œuvre. Ses quelques phrases chantées sont, de la même façon, lisses et dégagées, pour un timbre solaire et une ligne expressive. Au violon enfin, elle propose un jeu dynamique et particulièrement entraînant.
Lui répond, Simon Waddell, le marin épris de la sirène. Son jeu appuie sur le côté amoureux transi (et un peu idiot) de son personnage, bafouillant même en chantant au début, ce qui produit l’exaspération de ses camarades bateliers. Il présente sinon une voix de ténor accueillante et chaleureuse, plus basse que les deux autres, plus timide aussi, mais non moins engagée. C’est surtout avec le théorbe qu’il se distingue en accompagnant la pièce d’une main à la fois souple et attentive, tapissant la scène de beaux accords lumineux.
Vivien Simon est quant à lui un autre marin et surtout, la grand-mère de l’héroïne. Il apparaît calme et posé quoique ne manquant pas d’engagement quand il le faut. Il mène les parties chantées avec ferveur, d’un timbre assez particulier, une palette de ténor d’une sombre clarté, à la ligne précise. Il en profite d’ailleurs pour faire de rapides commentaires didactiques où il prodigue des explications à ses compagnons, et effectue des démonstrations de différents registres de voix. Mais surtout, il impressionne par sa maîtrise de toutes les percussions dont il est entouré et avec lesquelles il alterne avec vitalité, mais aussi délicatesse, tout au long du spectacle.
Enfin, les voix se réunissent en un trio qui rythme, lui aussi, la représentation, dans une concordance fluide et harmonieuse qui fait vibrer leur chant et leur propos : la fierté et la gaieté d’être marin.
Le public, autant les adultes que les enfants, accueillent cette nouvelle pièce avec un enthousiasme débordant, allant jusqu’à particulièrement toucher les trois interprètes, comme le fait remarquer, la voix émue, Vivien Simon. Et c’est ainsi que s’achève, plus qu’un conte, ce bel hommage à la puissance et la beauté de la mer, à son chant et à sa musique.