Vivaldi illumine le Festival d'Ambronay
Si Vivaldi jouit aujourd'hui d'une renommée universelle, sa notoriété à son époque ne lui garantissait pas une place de choix dans la tumultueuse Venise, où la compétition artistique faisait rage. Parmi les sept théâtres lyriques de la Sérénissime d'alors, le Teatro Sant'Angelo se distinguait par sa programmation audacieuse et novatrice. C'est en tant qu'impresario de cette institution que Vivaldi put y créer une douzaine de ses opéras et y convier les musiciens qu'il estimait, tels Fortunato Chelleri, Giovanni Alberto Ristori ou Michelangelo Gasparini.
Animés par une soif de découvertes musicales, les jeunes virtuoses réunis aujourd'hui à Ambronay ont exploré les archives pour exhumer les partitions d'œuvres jadis programmées au Teatro Sant'Angelo, dont seuls les livrets distribués aux spectateurs semblaient avoir survécu au temps. Ils convient ainsi le public à une immersion fascinante dans la musique flamboyante de ce XVIIe-XVIIIe siècle vénitien, alliant virtuosité technique et expressivité intense.
Les douze instrumentistes ouvrent le concert avec un indéniable sens du théâtre, déployant d'impressionnants contrastes qui marient exubérance dramatique et virtuosité époustouflante. Théotime Langlois de Swarte insuffle de son violon une énergie débordante et contagieuse, s'accordant quelques passages en soliste d'une douceur exquise.
Cette énergie, toujours maîtrisée et nuancée, permet de naviguer avec aisance entre le lyrisme intime et l'agilité étincelante de la Sinfonia extraite de L'Olimpiade de Vivaldi. Ces qualités font de ce Consort un accompagnateur hors pair, aussi subtil que dramatique, notamment dans l'interprétation glaçante de « Gelido in ogni vena » tiré de Farnace.
Adèle Charvet, bien que semblant être légèrement affectée par un rhume naissant, parvient progressivement à retrouver la plénitude de sa voix, particulièrement dans les graves, et à affirmer une présence vocale à la hauteur de son talent. Sa présence scénique, quant à elle, ne faiblit jamais, captivant instantanément l'auditoire. Sa voix, d'une chaleur tendre, s'épanouit particulièrement dans les airs les plus expressifs, offrant des passages d'une intensité déchirante. Elle module volontairement sa ligne pour lui conférer une fragilité subtile dans « Gelido in ogni vena », et propose une plainte poignante avec « Con favella di pianti » extrait de Cleonice de Ristori. En duo touchant avec Théotime Langlois de Swarte, la chanteuse fait preuve d'une finesse remarquée, avec des phrasés idéalement soutenus. Elle démontre également son agilité et sa virtuosité dans des airs de bravoure, voire de fureur.
Le public, profondément ému et admiratif, réclame avec ferveur plusieurs rappels. Les artistes comblent ces attentes avec le tendre « Lascia ch'io pianga » du Rinaldo de Händel, moment d'une intense émotion, avant de conclure par « Il mio crudele amor » de Rodomonte sdegnato de Gasparini, une élégante chanson de gondolier qui vient parfaire cette soirée.