Excursion baroque dans le Nouveau Monde à l’Abbaye d’Ambronay
L’Abbaye d’Ambronay devient, le temps d’un concert, la caravelle qui emmène le public par-delà l’Océan Atlantique pour découvrir le monde musical de l’Amérique latine du Siècle d’Or, à savoir, parmi tant d’autres, des œuvres de Juan de Araujo, Santiago de Murcia ou Antonio Durán de la Motta – dont la plupart sont conservées dans la Cathédrale de Sucre, en Bolivie. Dans ces Sucreries se mêlent donc danses (cuecas, tonadas, coplas) et villancicos et xácaras, composés pour des célébrations religieuses, mais non moins rutilants et flamboyants.
C’est avec un enthousiasme bondissant que l’Ensemble Alkymia reprend ces musiques et l’un des sentiments que retiendra le public est celui de la bonne entente qui semble régner entre ses membres et qui, elle aussi, rythme le concert. Chœur et orchestre partagent ainsi une belle énergie qui traverse toute la scène et court jusqu’au spectateur.
L’orchestre se caractérise d’abord par une forte présence, née d’un dynamisme aussi constant que vigoureux, transportant avec aisance la musique jusqu’au public, notamment lors des danses qui servent d’interludes entre plusieurs œuvres lyriques. Les accords pétillants de la guitare baroque virevoltent délicieusement dans l’air, ainsi que la fougue de la viole de gambe et la grâce du solo de flûte à bec qui surgit soudain et qui se poursuit dans le lointain avec une touche de mélancolie. Seul bémol, quelque manque de précision lors des enchaînements de certains morceaux, sans que cela vienne pour autant pâtir à l’écoute.
Le chœur n’est pas en reste et lui aussi présente un bel équilibre où les notes se répondent avec vibration. La variété des voix produit une palette aux couleurs éclatantes, et chacune rayonne tour à tour, selon les morceaux. La cueca bolivienne El regreso de Matilde Casazola emballe le public par sa chaleur et sa vivacité, et de même que celle de Simeón Roncal, Soledad, dont le titre suggère plus une plainte qu’un morceau endiablé – ce qu’il est en réalité. Ici, se distinguent notamment deux duos, celui de la soprano Camille Joutard avec son chant léger, à la ligne délicate et au timbre ensoleillé, et de la basse Sebastian Delgado, profonde, au timbre ombrageux, mais vive et enjouée (ce durant tout le spectacle). L’autre duo est celui de la soprano Magali Perol-Dumora qui, d’une voix plus large, souple et nuancée, répond à celle, au timbre plus sobre et plus sombre, mais à la ligne précise et fluide du contre-ténor Nicolas Kuntzelmann. Leur interprétation, escortée des autres membres du chœur, est un succès auprès du public qui, avec chaleur, vient accompagner les artistes en frappant dans ses mains au rythme du morceau.
Parmi les autres solistes du chœur, s'expriment le ténor Almeno Gonçalves, dont le timbre clair et la diction précise, quasi-déclamative portent avec brio, la soprano Lucie Minaudier, qui produit un chant fluide, gracieux et net, sa consœur Marie Remandet lui répondant dans Corderito de amor avec un timbre proche du sien, souligné de couleurs estivales, une voix à peine moins souple, et aussi nette.
Enfin, la direction de Mariana Delgadillo Espinoza, laquelle supervise tout d’un œil acéré, permet l’accession d’une bonne coordination du chœur et de l’orchestre, rendant compte de la vitalité et de l’expressivité de l’Ensemble Alkymia.
Le bis, où rayonne en soliste Camille Joutard, reprend El regreso, cette fois encore en commerce avec le public qui l’accompagne en tapant des mains. Les applaudissements retentissent ensuite dans toute l’abbatiale et nombre de spectateurs se lèvent pour mieux remercier les artistes. La caravelle de l’abbaye s’en retourne finalement à Ambronay et, le concert achevé, le public quitte les rivages de l’Amérique latine.