Fin de l’été pour La Monnaie de Bruxelles avec Sally Matthews et Harold Noben à BOZAR
Mettant à l’honneur le romantisme allemand et belgo-français (Till l'Espiègle et Les Quatre derniers Lieder de Strauss, La Symphonie de Rédemption de César Franck), le programme présente également la commande et création mondiale du Concerto pour orchestre du compositeur belge Harold Noben. Sous la baguette toujours aussi vive du directeur musical Alain Altinoglu, le premier concert symphonique de l’année (suivant le lancement de saison choral et La Dame de Pique) s'offre inspirant et incarné, porté par le souffle de la voix de la soliste Sally Matthews.
Harold Noben avait composé il y a deux ans un opéra de chambre complexe et sombre sur les derniers jours de Stefan Zweig « A l’extrême bord du monde » qui avait marqué le public bruxellois. Il revient ici avec une commande intitulée Beyond, dont le processus de création a été richement documenté par la maison.
Le compositeur le rappelle, pour de nombreuses personnes, « composer » s'apparente à la création isolée d’un musicien assis "dans un bureau silencieux, griffonnant des notes de musique sur des pages de partition, se levant parfois pour essayer quelques segments au piano. Cependant, pour de nombreuses œuvres musicales, et certainement pour les concertos, le processus de création est beaucoup moins solitaire" : Harold Noben a ainsi exploré les possibilités des instruments de l’Orchestre Symphonique de la Monnaie avec ses musiciens, notamment la harpiste Agnès Clément, le clarinettiste Antonio Capolupo, le trompettiste Rudy Moercant et le percussionniste Pieter Mellaerts.
Permettant à chaque instrument soliste de l’orchestre de faire briller les interstices d’une musique personnelle et incarnée, Strauss vient aussi résonner avec Harold Noben, laissant d'abord une place particulière à la voix de la soliste Sally Matthews (qui reviendra à La Monnaie pour Le Chevalier à la Rose également de Richard Strauss ainsi que pour Eugène Onéguine de Tchaïkovski). La soprano britannique offre ici la richesse de sa voix aux Vier letzte Lieder : l’automne d'un timbre sombre et riche marquant une inclinaison romantique très allemande (la nostalgique Sehnsucht). Mais celle qui fut aussi une glaciale Norma, moderne et puissante, déploie également une voix arienne, limpide et largement maîtrisée. Beaucoup de spectateurs ferment les yeux et se laissent emporter par les mélodies impalpables et profondes de la chanteuse. Frühling (Printemps) résume sa prestation en plongeant le romantisme dans un obscur hiver morne, dont les couleurs naissent peu à peu, transportant la chanteuse de graves profonds et cuivrés, vers des aigus aériens, rythmés et lyriques avec un vibrato à la mesure du propos. Suivent une indolence tempérée, puis élégiaque s’inclinant par un timbre chaud et gracile. Finalement, c’est avec Im Abendrot (Au Crépuscule) que la soprano tire sa révérence, laissant planer la tristesse d’un hiver qui s’installe, BEYOND Life, BEYOND music.
« Le mot « beyond » exprime juste l’idée qu’il faut traverser quelque chose pour découvrir ce qu’il y a derrière, et c’est un peu cette idée qui a nourri la composition. L’idée aussi qu’il est parfois nécessaire de se confronter à quelque chose – parfois simplement à soi-même et à ses peurs – pour pouvoir avancer et dépasser les peurs, les épreuves. » ___ Harold Noben
L’accueil du public, à la concentration palpable durant tout le concert, est chaleureux, applaudissant l'opulence du chant et cette musique, chromatique et touchante qu’Alain Altinoglu aura encore su faire jaillir.