Leçons de Ténèbres recueillies à Bayreuth Baroque
Le Bayreuth Baroque Festival n’investit pas que l’Opéra des Margraves. Il rayonne également dans la ville, comme pour ce concert aux chandelles en l’église Saint-Georgen, lieux de culte toujours actif (en témoignent les tableaux situés de part et d’autre du chœur, indiquant les pages où trouver les paroles des chants dans les missels) et richement décoré. Les premiers spectateurs n'étant qu'à deux mètres des artistes, une grande intimité se crée entre les interprètes et leur public.
Les premières notes de ces Leçons de Ténèbres pour le Mercredi Saint de Couperin émergent, mystérieuses, sans que leurs interprètes ne soient visibles, comme une référence à la fosse cachée du Palais des festivals où se tient non loin le Festival Wagner. Les deux voix a cappella sont celles de Chantal Santon et de Marie Theoleyre. Bien que toutes deux sopranos, elles offrent des textures et des couleurs bien différentes. La première aborde un registre plus aigu et lumineux, s’appuyant sur le médium généreux de l’autre.
La Première Leçon est chantée par Chantal Santon, spécialiste de ce style qu’elle maîtrise à merveille. Sa voix, d’abord droite puis vibrant vivement, est épaisse et douce, mais puissante. Les médiums et les aigus, purs et célestes, restent émis depuis le haut de l’instrument, mais les graves sont puisés depuis la poitrine. Bien qu’elle s’appuie sur sa partition, les émotions qui traversent le texte latin sont visibles sur son visage.
Avant de la rejoindre pour la Troisième, elle laisse sa place à Marie Theoleyre pour la Deuxième Leçon. Celle-ci projette sa voix riche dans l’acoustique généreuse de l’église, avec une attention permanente aux nuances de son chant. Son timbre velouté reste homogène sur les différents registres, bien qu’elle sollicite principalement le médium. Sa diction du latin est particulièrement précise et compréhensible.
Dans la Troisième Leçon, les voix des deux sopranos se mêlent, s’entremêlent puis se démêlent, la chaleur de la voix de Marie Theoleyre servant de socle aux envolées de Chantal Santon.
Les deux sopranos sont accompagnées par Loris Barrucand à l’orgue et François Gallon au violoncelle. Le premier est un support sobre et léger à la voix. Le son de son orgue est si fin qu’il se rapproche de celui d’une flûte à bec. Le second joue avec intensité, apportant de la gravité par un son riche et chaud. Il sait aussi explorer un registre plus aigu dans une interprétation plus allante et plus virtuose.
Après avoir hésité à applaudir à la fin de chaque leçon, le public, hélas peu nombreux, peut enfin laisser libre cours à son enthousiasme à la fin de la Troisième Leçon. Chantal Santon propose alors « Ein Encore » puisé chez Monteverdi. De quoi ravir le public de l’après-midi, prêt à enchaîner avec le grand concert du soir, célébrant les 40 ans de scène du Directeur du Festival, Max Emanuel Cenčić.