Ainsi dirigeait Mikko Franck avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France
Le programme choisi est éclectique, faisant dialoguer les époques et vibrer les contrastes, mariant musique et arguments littéraires, fin de siècle et ultra-contemporain. Aux derniers jours du cruel empereur Caligula (inspirant une tragédie à Alexandre Dumas mise en musique par Fauré en 1888) qui ouvrent ce concert, s’oppose le destin lumineux de l’homme nouveau célébré dans Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss (dans toutes les mémoires depuis le film de Stanley Kubrick 2001, L’Odyssée de l’espace), morceau annonçant le cycle des poèmes symphoniques de Richard Strauss que l’orchestre déploiera au fil de la saison. Tout aussi vertigineux et en affinité totale avec le tempérament de l’orchestre, le Concerto pour piano de Mason Bates (donné en création française) se fond encore dans la ronde de l'univers avec cette danse aussi déroutante et grandiose.
La Maîtrise de Radio France s’attache à mettre en valeur les séduisantes lignes mélodiques de Fauré, et y parvient surtout grâce à la précision d’un phrasé bien en place sur le plan rythmique - grâce à la direction de Sofi Jeannin. L’articulation gagnerait cependant à être encore améliorée, les consonnes n’étant pas toujours prononcées avec une netteté suffisante mais les timbres ont de toute évidence une grande pureté dans les aigus : difficile de résister au phrasé chatoyant et chaleureux de ce jeune chœur qui poursuit ses collaborations régulières avec les autres formations de Radio France, explorant un large éventail de répertoires.
Les cuivres retentissants restituent et renouvellent la verve orchestrale de la soirée dont le public perçoit toutes les possibilités et se met à vibrer. Le rythme culmine sur la valse que Mikko Franck fait s’envoler avec une allégresse et une volupté qui gagne les musiciens et la salle entière (rappelant que le philosophe-danseur est pour Nietzsche le comble de l’humain) dans une folie dionysiaque appelant (par sa maîtrise Apollinienne) au dérèglement des sens. L'orchestre suit ce geste ambitieux, corps à corps, cor à cor, corde à cordes avec la déclaration pleinement assumée par les timbales et autres percussions ainsi que par le très prometteur premier violon, Nathan Mierdl qui reçoit une ovation.
Pris enfin par le swing de rythmes proches du jazz, des spectateurs se mettent à s’agiter sur leur siège, à danser même sur une musique complexe. Tout est envoûtant, chaque pupitre est stimulé tantôt par des accords dissonants et indécis, tantôt par une fougue immense qui semble inspirée de la nature, de ses vagues puissantes, de ses grandes forêts (lieux de travail de Mason Bates). Daniil Trifonov, pianiste en résidence, est penché sur le clavier de son instrument comme pour fusionner avec lui et la musique (les spectateurs profondément émus lui font un triomphe). Une autre surprise les attend, totalement à l’opposé : la compositrice Marcelle Soulage les entraîne dans l’univers intimiste en demi-teintes de sa douce Légende pour flûte, hautbois et harpe.
L’enjeu soulevé par le concert, celui d’une fusion avec le monde sous le signe de la diversité et de la confluence, est pleinement perçu par les auditeurs qui en redemandent, restant accrochés aux couleurs chatoyantes et expressives du tissu orchestral et choral, par la fougue subtile de musiciens totalement engagés sous la baguette joyeuse du magicien des lieux.
Cétait hier soir à lAuditorium de @radiofrance, le Philhar et la @MaitriseRF donnaient leur concert de rentrée. Avec @daniil_trifonov pour sa première date en tant quartiste en résidence pour la saison 22-23. À réécouter sur @francemusique. pic.twitter.com/C7X4oACwlU
— Orchestre Philharmonique de Radio France (@PhilharRF) 17 septembre 2022