John Nelson renoue avec Béatrice et Bénédict au Festival Berlioz de La Côte-Saint-André
Dès l’ouverture brillante qui expose les principaux thèmes de l’ouvrage, John Nelson magnifie le souffle berliozien qui caractérise son approche de la musique du compositeur. Le public est emporté dans les effluves d’un délicieux moment où le sourire et l’émotion se situent au premier plan.
Point de drame ici ou de bas instincts de vengeance, mais une double histoire d’amour, l’une évidente et sereine -Héro et Claudio-, l’autre basée au départ sur l’opposition de deux êtres -Béatrice et Bénédict- qui s’éveillent peu à peu à l’amour. Tout finira par le mariage et dans l’allégresse générale. John Nelson en restitue toute la finesse via l’originalité de la musique de Berlioz non sans certains éclats menant un peu plus l’ouvrage vers le Grand Opéra que vers le style opéra-comique proprement dit. L’Orchestre Philharmonique de Strasbourg se range avec délectation à ses côtés, par la justesse de chacun de ses pupitres et le caractère poétique qu’il parvient constamment à créer et à maintenir tout le long de cette version concertante.
Impeccablement préparés par les bons soins de Nicole Corti, assistée de ses adjoints Pascal Adoumbou et Tanguy Bouvet, le Chœur Spirito et le Jeune Chœur Symphonique se fondent l’un dans l’autre de façon parfaitement maîtrisée avec toute la vaillance souhaitée et l’exigence requise. Ils jouent pleinement le jeu avec humour au sein des interventions bouillonnantes du Maître de Chant Somarone et de sa célébration bachique du vin de Syracuse. Julien Véronèse s’empare de ce personnage truculent, autrefois spécialité de Gabriel Bacquier, avec brio et une voix de basse affirmée.
Dans le rôle de Béatrice et quoiqu'annoncée souffrante, la mezzo-soprano américaine Sasha Cooke livre une prestation de belle tenue, avec une ligne de chant très soignée et une sensibilité à fleur de peau, qualités qui donnent toute sa profondeur au personnage. A ses côtés malheureusement, Toby Spence parait à la peine en Bénédict : la voix ne décolle pas et le timbre même apparaît émacié.
Héro trouve en Vannina Santoni une incarnation idéalisée avec une voix bien projetée et fraîche, toute emplie de poésie et de nuances. Pour l’interprétation du sublime duo nocturne concluant le premier acte "Nuit paisible et sereine", la jeune mezzo-soprano proche de l’alto, Beth Taylor la rejoint en Ursula pour un pur moment de grâce et d’enchantement souligné par les vifs applaudissements du public. À la clarté toute lumineuse de la voix de soprano, répondent les couleurs irisées et profondes de la seconde.
Malgré la relative brièveté de leurs interventions au sein des ensembles, Jérôme Boutillier (Claudio), et Paul Gay (Don Pedro) se font plus que remarquer, le premier par sa musicalité et l’impact de sa voix de baryton dense et projetée, le second par la sureté dans la conduite de sa voix très caractéristique de baryton-basse.
En dehors de ceux de Somarone, les dialogues parlés ont été supprimés au profit d’un texte de liaison s’intercalant entre les différentes pages musicales. Déjà utilisé par Daniel Barenboim dans sa version discographique de Béatrice et Bénédict avec l’Orchestre de Paris et lu alors par la fascinante comédienne Geneviève Page, puis repris par François-Xavier Roth lors du Festival Berlioz en 2013, c’est à Eric Génovèse, Sociétaire de la Comédie Française, que le texte est confié et repris avec pertinence.
La soirée se prolonge longuement sous les applaudissements du public, dont en premier lieu pour John Nelson.