Miroirs haendéliens avec Jeanine de Bique et Concerto Köln au Festival de Sablé
Après ses débuts à l'Opéra de Paris en Alcina et son engagement à Aix dans le Moïse et Pharaon de Rossini et avant ses débuts au Festival Baroque de Bayreuth, l'étoile montante soprano trinidadienne Jeanine de Bique présente en exclusivité au public français du Festival baroque de Sablé son programme intitulé Mirrors. Il s'agit de son tout premier disque, réalisé pendant la période de confinement avec l'ensemble allemand Concerto Köln. Cette même phalange l'accompagne en concert également, dans ce programme baroque allemand, plus précisément haendélien (le répertoire de prédilection de la chanteuse), où les héroïnes de Haendel (Agrippine, Alcina, Cléopâtre, Rodelinda) sont mises en miroir avec celles des contemporains du célèbre compositeur allemand (Telemann, Graun ou Vinci). Le Festival annonce également à ses auditeurs que trois œuvres du programme sont interprétées en première mondiale.
Jeanine de Bique se présente avec un appareil vocal à l'élasticité hors-norme. Son large ambitus s'adosse à une assise charnue et posée, face aux cimes brillantes et puissantes, tandis que les changements de registres s'effectuent en douceur et élégance. L'articulation du texte est très claire, bien que la prononciation reste peu compréhensible dans la première partie, un aspect qui s'améliore par la suite. Elle maîtrise ses vocalises avec beaucoup de conviction et reste en rythme avec l'orchestre dans les passages virtuoses et galopants. La force de son émission légèrement vibrée impressionne l'auditeur, ainsi que la pureté cristalline de l'intonation (le jeu d'écho avec le hautbois est particulièrement remarqué). La partie d'Agrippina de Telemann est interprétée en un phrasé subtil et nuancé, coloré d'un piano tendre et savoureux. Elle finit sa prestation haute en couleurs avec l'air "Tra le procelle assorto" de Cléopâtre et César de Carl Heinrich Graun, virtuose et très efficace.
L'ensemble Concerto Köln entame la soirée avec l'ouverture de Partenope de Haendel d'un ton sonore et résonant, bien nuancé dans toutes les sections instrumentales. Ils accompagnent la soliste avec une expression à la fois de légèreté et de drame, complétée par des numéros solistes remarquables, dont notamment ceux du hautbois (pour Agrippine de Haendel) et du basson (la passacaille de Rodrigo, Haendel). Les cordes se démarquent également par la virtuosité et la cohésion du groupe, dans lequel les violons se complètent en un jeu d'imitation. Ils sont menés par un premier violon -Evgeny Sviridov- qui montre ses qualités techniques, notamment la dextérité, la rapidité et la précision impeccables.
La soirée est couronnée par deux bis, récompensés par une inondation d’applaudissements du public sablésien, avant de continuer l'échange avec la nouvelle star lyrique par une signature du disque devant l'église de Notre-Dame de Sablé-sur-Sarthe.