La Chaise-Dieu célèbre l'anniversaire de Schütz avec David et Salomon
Il y a trois siècles et demi (en 1672), le plus fameux compositeur allemand avant Bach, auteur de Passions et du premier opéra outre-Rhin, Heinrich Schütz vivait la fin de ses jours à Dresde. Aujourd'hui, le Festival de La Chaise-Dieu et l'Ensemble Les Cris de Paris avec son chef Geoffroy Jourdain lui rendent hommage dans un concert autour des psaumes qu'il a mis en musique. La conception du programme consiste en une alternance des Psaumes de David et d'extraits des Symphonies sacrées, écrites sur les textes du roi Salomon, entrecoupés par les lectures des (extraits des) psaumes en français, enregistrées par deux voix de comédiens. Ce collage des partitions, dont la polyphonie est poussée à son paroxysme (avec les dialogues des chœurs, solistes, imitations entre pupitres même) relève d'un travail de recherche musicologique approfondie. Mais ce projet s'avère victime de son ambition : cet assemblage savant musico-textuel devient difficile à suivre (une incohérence s'impose entre le son et le livret proposé), ses sens et sa structure intérieure échappent à l'auditeur, tandis que l'idée générale, certainement intéressante, nécessiterait une présentation plus poussée au préalable.
Ceci pourtant ne diminue aucunement les qualités musicales des œuvres interprétées (à cheval entre la musique sacrée et profane, selon la notice du programme). Comme de tradition en ce Festival, la soirée s'ouvre par une introduction au grand orgue, suivie comme pour le précédent concert par le début d'une partie de l'ensemble placée au jubé de l'abbatiale. Il s'agit d'un quatuor vocal, face au plus grand chœur mixte sur scène, créant ainsi une constellation antiphonique où les deux chœurs dialoguent. Bien que disproportionnés, ces deux chœurs immergent le public qui les sépare dans une complémentarité harmonieuse et rythmique. Les sopranos se démarquent par la clarté et la justesse du ton, les ténors en rayonnant de leur timbre solaire, tandis que les forces unies rendent la projection solide et puissante (dépassant les capacités individuelles). Geoffroy Jourdain modifie le positionnement et la formation du chœur tout au long de la soirée, veillant à un juste équilibre entre les parties vocales, équilibre qui est, d'ailleurs, toujours au rendez-vous. Cependant, la prononciation du texte est difficilement perceptible dans ce dense tissu polyphonique. Quant aux musiciens, les inégalités encombrent l'image sonore (la basse continue et les vents), mais quelques prestations solistes méritent mention, notamment celles des deux Vincent – à la harpe (Kibildis) et au théorbe (Flückiger).
Parmi les solistes du chœur, la soprano Adèle Carlier présente une voix nourrie qui se démarque par sa largeur et vigueur. Son art du phrasé est délicat, grâce aux qualités techniques de son instrument souple et agile. Sa collègue de pupitre Cécile Larroche chante avec douceur et facilité ses vocalises, d'une ligne lumineuse, leste et colorature qui emplit pleinement cet espace très résonnant. La soprano Michiko Takahashi est dotée d'une vaste gamme brillante dans les cimes, d'un ton clair et tendre qui se dégage moyennement, mais reste suffisamment sonore.
Chez les hommes, le ténor Alban Dufourt émet une sonorité chaleureuse, émaillée de rondeur. Son instrument est flexible et parcourt les passages sans encombres et avec conviction. De même pour son homologue Constantin Goubet, avec un timbre distinctif qui s'épanouit dans les aigus. L'accompagnement chambriste lui permet de mieux projeter ses couleurs radieuses, ainsi que les phrases finement pétries par une émission droite et stable. La basse Alvaro Valles prononce l'allemand avec soin, d'une ligne arrondie mais sans trop d'étoffe dans les graves. Renaud Bres chante sa partie d'une voix sobre, claire et éloquente dans la prononciation et l'articulation, notamment dans la partie médiane de sa tessiture.
Le public emplit ce haut lieu saint et musical de l'Abbatiale Saint-Robert avec des acclamations pour les artistes qui, en retour, le récompensent d'un grand bis choral.
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