Esther de Haendel couronne les Rencontres Musicales de Vézelay
Retransmission via France Musique mardi 13 septembre 2022 à 20h :
Des variations de lumières bleues et mauves illuminent le chœur de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay. Là, l’orchestre et les voix racontent la légende biblique d’Esther dans une version Hændelienne unique, celle de 1720 (entre celle de 1718, et la dernière, entièrement révisée, de 1732). En conséquence des tessitures attribuées aux différents rôles, certaines sont celles de 1718 et d’autres, de 1732 : ainsi, dans cette dernière, le roi Assuérus de Perse est un contre-ténor (castrat à l’époque de Haendel) alors qu’il est ténor dans la première (et ici). Inversement, Mordecai devenait contralto, alors qu’il était auparavant ténor, ce qu’il est le cas dans le concert de ce soir. Un chœur est également présent pour répondre et soutenir les solistes, chœur qui n’existe plus en 1732.
Emporté par l’incessant mouvement de la musique, Paolo Zanzu dirige Le Stagioni avec une fougue inébranlable, permettant aux couleurs de l’orchestre de jaillir avec éclat, notamment celles des très beaux cuivres, et de frapper le spectateur. Il poursuit avec adresse et prestance la course de la musique et, infatigable, il reprend toute la dernière partie de l’œuvre pour le bis.
Le Jeune Chœur de Paris, préparé par leur chef Richard Wilberforce, n’est pas non plus en reste : les voix se déploient dans une belle harmonie, mesurée mais saillante, notamment dans les chœurs féminins qui vibrent avec éclat. Leur présence apporte un réel équilibre à l’œuvre et le seul véritable bémol est celui de la compréhension du texte, surtout due, cependant, à l’acoustique ample de la basilique.
La soprano Rachel Redmond interprète le rôle-titre. Le spectateur est d’abord saisi par la lumière du timbre, doté d’une riche palette de clartés variées. Le chant est fluide, mené avec souplesse et naturel et, bien que timide au début, la chanteuse deviendra de plus en plus assurée au fur et à mesure du concert. Enfin, la prononciation de l’anglais est distinguée et précise, permettant au public d’apprécier la nuance de chaque note.
Zachary Wilder est le roi perse Assuérus. Son ténor est coloré de nuances chaleureuses et surtout, d’une constance exemplaire où, encore une fois, l’équilibre est au rendez-vous. Son Assuérus n’est pas tant menaçant que vibrant d’amour, ce rendu par une présence à la fois tendre et gaie. Son trio avec Esther et Mordecai permet la rencontre d’une belle harmonie de contrastes de clair-obscur.
Le ténor Nicholas Scott revêt divers rôles à lui seul : celui du Premier Israélite, du Second Israélite et de Mordecai, le père d’Esther. Doté d’une présence solide, malgré un certain manque d’assurance au début, il démontre un timbre clair et aéré, participant d’une voix nette et travaillée à la musique, et notamment dans ses duos avec Rachel Redmond, Esther, attentifs et mesurés.
Le contre-ténor Carlo Vistoli endosse quant à lui le rôle du Prêtre : le chant repose sur un bon travail d’équilibre, à la fois modulé et engagé, notamment dans de jolies envolées vocales, également dues à un timbre éclairé d’élégantes nuances. La fluidité de l’ensemble est entretenue par une diction précise et bien portée.
Le rôle d’Haman revient à Lisandro Abadie, qui ouvre l’oratorio par son baryton-basse sombre et prononcé, riche, accompagnant un chant très expressif, à la fois imposant d’austérité, mais également saillant, appuyant (parfois trop) sur certains mots, de façon vive et acérée.
Le rôle d’Harbonah, le comparse de Haman, est attribué à Lysandre Chalon, lequel s’impose par des graves sombres et caverneux qui répondent et secondent dans un parfait accord ceux de Haman : les voix se confondent presque, créant ensemble comme un chant de basse neuf et particulièrement profond.
Quelques membres du chœur interprètent également un rôle de soliste : ainsi, Boris Mvuezolo tient le rôle de l'Officier perse, présentant un timbre clair et un chant doté d’une bonne diction. De même, Alexandre Jamar est Habdonah et offre une ligne nette, précise et engagée.
Enfin, Emmanuelle Demuyter, dans le rôle de la Femme israélite, impressionne par son soprano aisé, posé et riche de nuances solaires ornées d’un léger vibrato, qu’elle démontre, radieuse, avec force joie.
Le public savoure avec bonheur ce spectacle qu’il salue d’applaudissements tonitruants à n’en plus finir, faisant vibrer le sol de la basilique jusqu’au moment de la standing ovation, survenant après la reprise, en bis, de toute la fin de l’oratorio. Enfin s’achève le concert et le public quitte la basilique dont la fameuse façade, éclairée au milieu de la nuit, retient encore le spectateur dans les lueurs musicales de Hændel.