Daniel Behle en récital à Gstaad, un festin de viennoiseries
C’est dans le cadre intimiste et bucolique de l’église de Zweisimmen, petite commune située à une quinzaine de kilomètres de la station de Gstaad, que Daniel Behle donne rendez-vous à un public essentiellement germanophone (à qui le chanteur s’adresse d’ailleurs plusieurs fois en allemand entre les morceaux), pour décliner son programme baptisé “Mein Wien”. Ainsi, sont conviés à ces alpestres réjouissances des compositeurs qui tous ont un lien avec la capitale viennoise : il y a là Strauss II, Franz Lehar, mais aussi le moins connu Robert Stolz. De celui qui fut le chef attitré du Theater an der Wien dans les années 1900, et que Jonas Kaufmann (également présent cette année à Gstaad) avait déjà mis à l’honneur dans son album “Wien”, sont ici ravivés des airs d’opérette mais aussi quelques chansons, dont ce truculent “Ob blond ob braun” composé sur un texte d’Ernst Marishka, qui n’est autre que le réalisateur de la trilogie de Sissi.
Dans ce répertoire à trois temps pour le moins festif et entraînant, Daniel Behle se montre tout à fait à son aise, sa voix de ténor aussi ample que sonore (d’autant plus dans cette petite église) alternant avec un registre parlé qui voit le chanteur se muer en habile conteur. Un conteur aux mimiques expressives et à la diction fort éloquente. Même pour qui ne maîtrise pas la langue de Goethe, il est aisé de deviner que les textes sont ici poétiques et emplis de tendresse, là davantage comiques. C’est le cas dans ces airs composés par Daniel Behle lui-même, où l’artiste déclare sa flamme à son piano (“Ich bin Stolz auf meinen Steinway”), ou évoque sa passion pour le club de football de sa ville natale, Hambourg (“FC St. Pauli”), le tout avec une voix émise dans un vif élan autant musical que narratif.
Les couleurs sont variées, les nuances aussi, et des aigus forts vaillamment tenus côtoient des demi-teintes pleines de tendresse. Le ténor s’attaque avec un égal bonheur et un même enjouement aux opérettes de Lehar (Le Pays du Sourire, La Veuve joyeuse, Giuditta), dans un emploi au lyrisme bien plus prononcé qui permet à l’artiste de faire d’autant plus briller tout le potentiel de sa voix à l’indéniable potentiel sonore et expressif. C’est aussi à cet instant que, soudainement sortie du banc du premier rang où elle était assise incognito jusqu’alors, la soprano Katrin Koch se lève pour venir partager avec la vedette du jour un duo enflammé (“Wie eine Rosenknospe” Comme un bouton de rose) et plein de tendre poésie.
Derrière son piano, l’Autrichien vivant à Vienne Christian Koch se fait le complice de ces airs aussi dansants que galvanisants. Jouant avec la décontraction et la gestuelle pleine d’emphase d’un pianiste de saloon, l’instrumentiste sait aussi se faire largement virtuose en abordant de très techniques arrangements d’œuvres incontournables de Strauss fils, dont ce Sang viennois et cette Tritsch-Tratsch polka interprétés avec une technique accordée à de vifs et bondissants tempi. De quoi donner envie de battre la mesure par des claquements de mains qui finissent par intervenir pour saluer la qualité du concert conclu par le populaire et berçant air allemand “Kleine Möwe, flieg nach Helgoland” (petite mouette, vole vers Heligoland).