Eau et musique, une union qui coule de source au Festival d’été de Vichy
Difficile sinon impossible d'imaginer un autre cadre que le Festival d'été de Vichy, ville aux mille richesses thermales, pour sceller l'union de l'eau et de la musique. Et de lieu plus idéal qu'un ancien corps de ferme situé dans une petite commune du bassin vichyssois, Ferrières-sur-Sichon, baignée par une petite rivière descendue des montagnes environnantes. Tous les éléments sont ainsi réunis, en cette fraîche soirée d'été, et au beau milieu du Festival d'été de l'Opéra de Vichy (qui se fait fort de "décentraliser" chaque année quelques spectacles), pour passer une exquise soirée sur le thème du "Fil de l'eau". L'eau ici déclinée par le prisme d'un riche répertoire, allant du lyrique à la variété française en passant par le traditionnel. Sont ainsi convoqués Fauré (mélodies "Au bord de l'eau", "Les Berceaux"), Poulenc ("Les Chemins de l'amour"), Debussy ("Beau soir"), mais aussi Kurt Weill ("Youkali") ou encore Henry Mancini ("Moonriver"). Le tout en faisant quelques incursions dans un répertoire plus "moderne" allant de Serge Lama ("Une île") à Guy Béart ("L’eau vive") en passant par l'incontournable Michel Legrand ("Les Moulins de mon cœur"). Un répertoire pour le moins éclectique où il est toujours question d'eau et d'une nature propice à l'évasion, et où brille avec une égale constance la rafraîchissante et enjouée Fleur Mino, dont le timbre exquis est désormais bien connu des fidèles de la maison lyrique vichyssoise (en atteste ce spectacle autour des comédies musicales donné en décembre dernier dans un opéra tout acquis à la cause de l'artiste).
Dans ce répertoire varié conférant une agréable dynamique à ce concert d'été, et dans une robe Vichy à carreaux bleus plus que jamais de circonstance, la chanteuse ne cesse jamais d'afficher une aisance remarquée ainsi qu'un naturel et une fraîcheur du meilleur effet. Il y a là du classique, du populaire, du poétique et du jazzy, et toujours le même pouvoir d'attraction opère à l'écoute d'une voix pleine de couleurs au timbre d'éther et de coton, suscitant une douceur à la sonorité jamais excessivement forcée (même si la voix est ici amplifiée par les micros). La recherche de l'expressivité est toujours de rigueur, tout comme la quête perpétuelle d'une mélodieuse éloquence, comme dans cette mélodie de l'"Eau vive" que le public vient à entonner à son tour, à la façon d'une berceuse que l'on vient souffler le soir à l'oreille de l'enfant endormi. Il ne pouvait d’ailleurs y avoir de récital centré sur la chose aquatique sans que Rusalka, la plus fameuse des nymphes des eaux opératiques, n'y soit invitée. Là, dans la séraphique "Prière à la lune", Fleur Mino fait l'étalage de ses dispositions lyriques, avec un chant soigné et raffiné où chaque mot est porteur de sens autant que d'émotion. Un air court mais intense qui permet aussi de mettre en lumière les qualités d'expression dramatique d'une artiste complète.
Comme Fleur Mino, directrice artistique de la Villa Marguerite particulièrement active dans l’univers culturel vichyssois (le Ba-ta-Clan d’Offenbach y a récemment été très apprécié), Jérôme Brajtman est lui aussi un Auvergnat d’adoption. Guitariste de grand talent, il touche à tous les styles avec une égale aisance. Véritable complice de scène plus qu’accompagnateur, l’instrumentiste use d’une technique soutenue par des appuis aussi précis qu’élastiques. Ce second pilier du duo à la complémentarité déjà bien rodée ne jette vers son pupitre que des regards fermés, comme habité par le flot des poétiques émotions ici dépeintes. Accordé sur un la 432 hertz, car c’est celui qui leur “porte la plus grande pureté” (quoiqu'il soit un peu plus grave que l'accordage standard, mais permettant de fait plus aisément d'éclaircir les aigus par comparaison), le duo enrichit ce récital par la lecture en musique de poèmes de l’écrivain vichyssois Valery Larbaud, par une chanson auvergnate invitant à profiter de la vie en buvant “un peu de bon vin”, et conclut le tout en reprenant “La Tendresse” de Bourvil, une ultime madeleine largement appréciée et applaudie par le public sortant de ce concert le cœur léger et imbibé d’une eau aussi pure qu’enivrante.