Anniversaire Surprises au Festival de Saintes
La Cathédrale Saint-Pierre de Saintes devient Sérénissime le temps de ce concert, dont le programme plonge dans le répertoire des virtuoses et maîtres de chapelle à San Marco (basilique Saint-Marc de Venise) aux XVIe et XVIIe siècles : sous la figure tutélaire de Monteverdi, et avec Legrenzi, Merula, Rigatti, Lotti, Rossi, Cavalli.
Lorsque Claudio Monteverdi est nommé à San Marco, il a déjà 46 ans et une réputation établie par des opéras, madrigaux et pièces sacrées. Ce prestige et le fait de ne plus travailler pour l'aristocratie lui offre un surcroît de liberté artistique même dans le champ ritualisé de la musique religieuse : c'est précisément cet élan de liberté qui se retrouve dans le programme tel que joué ici par Les Surprises. Par sa direction efficace et très attentive depuis le clavier, le chef Louis-Noël Bestion de Camboulas permet et encourage du regard et de la respiration, dans la précision et la souplesse, une liberté d'expression à chaque musicien (dans le respect des tempi établis durant le travail), en résonance avec la liberté du programme et en permettant une cohérence par l'expressivité musicale. Chaque note est vivante, colorée et dynamique, ce qui renforce l'équilibre entre le petit ensemble vocal et instrumental (en renforçant les initiatives individuelles sur les phrasés, dans les échanges et l'entente entre les artistes).
Selon les morceaux, les chanteurs s'expriment dans toutes les configurations d'effectif, du solo (mais restant une ponctuation au service de l'ensemble) jusqu'à l'octuor. L'intention musicale de chacun n'est pas celle de "soliste" mais de mettre les timbres même riches au service de l'ensemble.
Les huit chanteurs forment de fait ici un double quatuor et même deux en simultané : deux solistes dans chaque tessiture (sopranos, altos, ténors, basses) montrant à la fois la richesse et la cohérence au sein des pupitres et entre les pupitres. Deux quatuors alternent (femmes-hommes ou bien un par tessiture) et se rejoignent aussi en double quatuor vocal, en volume et matière mais cohérente (d'autant que le contre-ténor prévu au pupitre des altos est remplacé au pied levé par la chanteuse Alice Habellion). Le professionnalisme et la maîtrise musicale sont à tous les pupitres, renforcés par cette communication.
Jehanne Amzal et Eugénie Lefebvre déploient la superbe de leurs deux sopranos, différentes mais complémentaires : rappelant Susanna et la Comtesse dans leurs styles, timbres et phrasés respectifs mais en sachant échanger de volume.
Julia Beaumier et Alice Habellion soutiennent le pupitre d'altos, notamment la deuxième lorsque la première propose quelques petits solos sans trop déployer la voix.
Clément Debieuvre et Randol Rodriguez ne sont sollicités en ténors que pour nourrir et tenir l'accord, ce qu'ils font avec qualités de justesse et de phrasé. Le premier a un vibrato un peu rapide mais ne dérangeant nullement la couleur d'ensemble (au contraire, rappelant que ce style baroque et cette musique sacrée sont vibrants).
Enfin, François Joron et Guillaume Olry tiennent le rôle de basses, quoique le premier soit davantage baryton et que le second ne déploie pas une résonance profonde. Les deux soutiennent néanmoins l'harmonie des accords.
L'église Saint Pierre est comble et comblée par le public applaudissant et reconnaissant envers ces "Surprises". Elles sont nombreuses en cette 50ème édition du Festival de Saintes et déjà pour les prochaines : cette année marque en effet un moment de transition avec le nouveau Directeur général David Theodoridès qui a annoncé que la Direction artistique se renouvellera désormais tous les deux ans, un changement radical pour succéder à la figure incontournable des lieux, Stephan Maciejewski (à retrouver dans notre grande interview).