Tancrède, Clorinde et autres madrigaux de Monteverdi par Rinaldo Alessandrini à Beaune
Cette « guerre d’amour » qui vire au tragique comme le note avec acuité le musicologue Roger Tellart, autre grand spécialiste du compositeur, est animée par Le Testo (Le Narrateur), les deux protagonistes de l’ouvrage, Tancrède et Clorinde n’intervenant que de façon somme toute marginale. L’écriture vocale principale se trouve confiée au ténor qui doit passer par une gamme d’émotions les plus opposées, de l’évocation de la colère et de la fureur au chant dit agité tout en conservant une part d’intimité naturelle. Cette redoutable partie est confiée au ténor Riccardo Pisani, complice habituel de Rinaldo Alessandrini et grand interprète de ce répertoire. Sa voix fort expressive, la clarté et la souplesse de son chant passionné, son investissement permanent notamment dans les parties plus animées, donnent pleinement corps à son interprétation du Narrateur, saluée unanimement par le public présent. Dans les brèves interventions de Clorinde et de Tancrède, le soprano agile et libre de toute entrave de Sonia Tedla et la basse affirmée, au timbre accrocheur, de Gabriele Lombardi, lui donnent une réplique de grande justesse.
Afin de compléter le programme, plusieurs madrigaux de Monteverdi se trouvent associés. Aux trois solistes déjà évoqués, viennent alors se joindre une autre soprano Cristina Fanelli aux jolies envolées lyriques, Andres Montilla alto, Luca Cervoni et Massimo Lombardi, ténors. Toutes ces voix affutées à ce répertoire baroque se conjuguent au mieux et surtout font preuve d’une sensibilité à fleur de peau. Il en va ainsi dans le madrigal Hor che'l ciel e la terra (À présent que le ciel et la terre) sur un sonnet du divin Pétrarque qui débat des différents états de l’âme humaine, du ravissant Dolcissimo uscignolo (Rossignol bien doux) ou Chi vol haver felice e lieto il core (celui qui veut garder un cœur gai et léger) où la voix de Sonia Tedla domine aisément la partie. Dans le madrigal Volgendo il ciel per l’immortal sentiero (Suivant vers le ciel l'immortel chemin), Luca Cervoni interprète la partie fort développée confiée à la voix de ténor. Il y excelle par la transparence bienvenue de son timbre et la belle animation de son chant.
Au plan strictement instrumental, plusieurs pièces élargissent encore les références au répertoire comme ces trois Sinfonie tirées de L’Orfeo et du Couronnement de Poppée, ainsi que plusieurs autres du compositeur Biagio Marini, contemporain de Monteverdi. Il devait pour sa part s’attacher tout particulièrement au développement du violon et offrir ce soir l'impressionnante et superbe cohésion d’ensemble du Concerto Italiano que Rinaldo Alessandrini dirige depuis son clavecin.
Malgré les ans et ses bientôt quarante ans d’existence, le Concerto Italiano fait toujours valoir la richesse des timbres de ses différents pupitres, son sens de l’équilibre et un raffinement jamais survolté ou démesuré. Tout est pensé pour atteindre la plénitude musicale et servir au plus haut la musique interprétée. Celle de Monteverdi en bénéficie pleinement et cette réussite indéniable est vivement applaudie par le public présent en ce soir en la Basilique Notre-Dame de Beaune.
Ce concert
vient conclure le deuxième week-end du Festival international d’opéra baroque et romantique de Beaune 2022 (et notre série de comptes-rendus). Le programme des deux week-ends
suivants apparaît tout aussi exaltant par sa diversité et le
talent des intervenants (il est à retrouver comme toujours et pour tout votre été culturel dans le Grand Guide Ôlyrix des Festivals de l'été).