Natalie Dessay et Neima Naouri : deux stars sous les étoiles au Festival de Toulouse
Le
public est venu nombreux ce soir sur l’esplanade du jardin
Raymond VI, transformée pour l’occasion en gradins. C’est là,
dans ce très beau parc sur la rive gauche de la Garonne, que s’est
déroulé le concert organisé par la collectivité de Toulouse. Un
moment convivial et rafraîchissant pour les citadins, alors même
que la ville rose traverse une canicule historique.
Après un léger retard (le fameux « quart d’heure toulousain », annonce en plaisantant le représentant de la mairie), le concert débute par un florilège d’extraits de West Side Story de Leonard Bernstein, arrangés au piano par Yvan Cassar. Natalie Dessay et Neima Naouri chantent à tour de rôle et en duo. Elles campent avec vigueur leurs personnages, toisant le public et jouant avec lui. Sur les morceaux qui les rassemblent, elles incarnent la jeune première et la chanteuse plus assurée, en permutant parfois leurs rôles.
Le programme met à l’honneur Barbra Streisand, chanteuse emblématique de la comédie musicale américaine, à travers des extraits de Funny Girl ou Hello, Dolly. À cette occasion, Neima Naouri montre toute l’amplitude de sa palette vocale. Elle maîtrise le « belting », cette technique de comédie musicale consistant à tenir ses notes en voix de poitrine, même dans les aigus. Son timbre est éclatant. Sa voix est nette, incisive, projetée avec puissance et sans vibrato. Très à l’aise avec la prononciation de l’anglais américain, elle ajoute de l’expressivité à son chant avec quelques petites incartades parlées, mais sans détimbrer.
En véritable show-woman, Natalie Dessay prend le micro pour annoncer les morceaux suivants. Elle ne déploie pas ce soir la voix de colorature qui a fait son succès, mais l’engagement dans son chant est le même. Elle s’empare des mélodies, jouant avec le phrasé et les nuances. Elle y ajoute sa patte, son émotion. On la voit essuyer une larme après avoir chanté « Tous les moulins de mon cœur ». Sur d’autres chansons plus jazzy, elle ponctue ses phrases d’un « growl » (technique de chant consistant à adopter une voix rauque). Sa complicité avec ses accompagnateurs est perceptible, notamment avec Yvan Cassar, qui la supplée dans une improvisation au piano durant une brève panne de micro.
Auteur des arrangements, Yvan Cassar s’illustre par son jeu vif, délié, son sens de l’écoute. Il partage la scène avec le contrebassiste Benoît Dunoyer de Segonzac, sérieux et discret mais présent sur tous les morceaux, le quintette toulousain Kalëido qui varie entre les pizzicati et les cordes frottées avec un délicieux son « vintage », et le trompettiste Sylvain Gontard. Ce dernier joue alternativement de la trompette et du bugle, avec une virtuosité et une richesse de timbre admirable. Il aura droit à son moment de solo et d’improvisation sur l’air d'Armstrong, Let my people go.
Natalie Dessay clôt le programme, comme il se doit, en chantant Toulouse de Claude Nougaro, à la grande joie du public. Enfin, les deux chanteuses reviennent sur scène pour un bis endiablé, et un clin d’œil à leur profession d’artistes : There’s no business like show business d’Irving Berlin.