Ballade Idéale au Potager du Roi, au rythme de la poésie musicale
Dirigé avec passion et art par Jean-Paul Scarpitta (qui nous détaille cette manifestation et édition en interview), qui rend toujours hommage à ses artistes en faisant pleuvoir d'élégantes roses blanches sur la scène, ce soir encore, même sous un temps hésitant, le Festival propose un concert raffiné, maîtrisé et plein d'émotions.
Des interventions philologiques pleines d'esprit des deux artistes expliquent que le répertoire proposé (airs de Lambert, Charpentier, Camus, d'Ambruys) aurait certainement été (ou aurait tout à fait pu être) créé ou interprété en ce lieu enchanteur à l'époque du Roi Louis XIV, lorsque des musiciens égayaient les promenades de la cour parmi les pommiers, les légumes et les fleurs.
Le chant de la mezzo-soprano Lea Desandre se distingue non seulement par sa pureté poétique, mais aussi et surtout par ses interprétations passionnées qui rendent toute leur vitalité à ces musiques du premier baroque français. La diction claire et précise insuffle au texte chanté une grande expressivité, en souligne le sens et l'affection. Dans l'air touchant Celle qui fait tout mon tourment de Marc-Antoine Charpentier, qui commence a cappella, la chanteuse touche ainsi les cordes les plus intimes de l'auditoire, l'enveloppant de notes qui le réchauffent dans ce temps bruineux et humide. Les trilles mordants et appoggiatures diverses, très présents dans ses interprétations, sont exécutés de manière précise, avec gusto et panache, donnant à chaque petite note une importance et une valeur uniques. Mais ce sont les appoggiatures finales qui « remuent les affections » de la manière la plus cathartique. La mezzo-soprano les utilise comme une lame qui, sans couper, maintient une grande tension émotionnelle.
L'entente entre les deux artistes est évidente, un jeu de regards et une synergie musicale permettant de communiquer (entre eux et avec le public) une intensité musicale colorée et dynamique (du doux au dramatique). L’habile luthiste Thomas Dunford, en accompagnateur ou en soliste, propose un baroque romantique, stylisé et vivant avec une maîtrise des embellissements et de l’intensité émotionnelle (sifflant même à l'occasion pour s'accompagner).
Le public enthousiaste remercie avec insistance les deux artistes, y compris après le bis particulier, qui pourrait sembler anachronique mais qui ne l’est pas dans cette promenade musicale à travers « la poésie, l'introspection, la nature, le chagrin, la vie » : Dis, quand reviendras-tu ? de Barbara.