Psaumes poétiques mais prosaïques par le RIAS Kammerchor à Radio France
Ce programme de "Psaumes poétiques" (Poetische Psalmen) est consacré pour l’essentiel à la musique allemande (Schütz et Bach) : un répertoire où le chœur a fait preuve de son excellence par le passé sous la direction de ses grands chefs (Marcus Creed ou Hans-Christoph Rademann). Le programme est entrecoupé ici de quelques insertions anglaises (Byrd, Gibbons, Purcell) ou même italiennes (le Dixit Dominus de Monteverdi en début de deuxième partie), le tout a cappella ou accompagné par une basse continue composée de l’organiste Petteri Pitko et de la violoncelliste Aleke Alpermann.
C'est dans le grand auditorium clairsemé que leur directeur musical, Justin Doyle arrive avec quelques minutes de décalage par rapport à l’entrée du chœur, créant un étonnement palpable dans l’auditoire. Les premiers accords introduits de façon prosaïque à l’orgue positif surprennent par le manque de la générosité pourtant habituelle du son de cet ensemble, le relief et le rayonnement étant d'autant plus étonnamment absents que ces premières pages signées Schütz se veulent éclatantes et solaires ("Singet dem Herrn ein neues" : Chantez au Seigneur un chant nouveau).
Certes, la trentaine de chanteurs qui composent le RIAS et qui viennent tous de pays et d’horizons différents, restent irréprochables sur le plan de la technique et de la justesse. Le remarquable velouté des pupitres et son homogénéité parfaite n’ont nullement disparu. Mais c’est la juste adéquation entre les propositions musicales de Justin Doyle et la manière envoûtante dont devrait sonner ce répertoire composé des grands psaumes du XVIIe et du XVIIIe allemand et anglais qui semble faire défaut tout au long du programme. En effet, malgré un geste précis et lisible, le chef n'insuffle pas de grands élans à l'ensemble, et ne semble vouloir prendre aucun risque en termes de nuances, oscillant systématiquement entre le mezzo piano et le mezzo forte (alors que les accords verticaux parfois vertigineux doivent être contrebalancés par des phrasés audacieux et surtout une complexité ainsi qu'un éventail de nuances, qui font ici défaut).
Au fil des pièces, jamais ne surgissent ni un pianissimo prenant et délicat, ni un immense forte bien conduit pour souligner les phrases conclusives des psaumes. Les Allelujahs resplendissants et les glorieux Amen qui font tout le sel de ce répertoire ne sont pas davantage mis en relief que la délicatesse sculptée du texte allemand (pourtant l'une des marques de fabrique du RIAS, ici recouverte d’une patine un peu ternie).
Justin Doyle restitue en lieu et place une belle mécanique soigneusement huilée et fort bien délivrée vocalement, avec des tempi certes vifs mais pas toujours adéquats (mettant parfois les chanteurs en difficulté dans l’exécution des dentelles en doubles-croches). C’est finalement dans la musique anglaise (de son pays) que le chef semble le plus à l’aise : le Sing joyfully de Byrd parvient à émouvoir par la beauté de ses intervalles et les suspensions bien amenées qui concluent chaque section. Les grandes acclamations finales du Jehova de Purcell sont également exécutées avec conviction, mais l’ensemble reste monotone et peu captivant, notamment le Dixit Dominus de Monteverdi bien peu italianisé sans cette alternance de moments très confidentiels et d’explosions débordantes.
Dernière source d'étonnement et de facto de frustration : le grand orgue dont l’Auditorium de Radio France s'enorgueillit avec raison et qui aurait rendu justice à ce magnifique répertoire est ici délaissé, Petteri Pitko restant au petit orgue positif (manquant d'impact et de dynamiques) avec lequel il accompagne les chanteurs mais joue aussi les pièces solistes de Gibbons, Scheidemann, Pachelbel et enfin Bach.
Des applaudissements saluent sans rappel la fin de ce programme où la qualité des chanteurs n'aura pas fait celle du concert.
Berührende Rückkehr nach Paris. Endlich, nach mehr als vier Jahren. Danke an #radiofrance für die Einladung. .@RIAS_Kammerchor @radiofrance @francemusique pic.twitter.com/aOME8kVbYs
— RIAS Kammerchor (@RIAS_Kammerchor) 14 juin 2022