Adèle Charvet emprunte les chemins de l’amour dans L’Instant Lyrique Salle Gaveau
De Je te veux à Je ne t’aime pas, Adèle Charvet découvre ce soir toutes les facettes de l’amour et du désir, depuis Satie et Poulenc aux Cabaret Songs de Bolcom – un répertoire qu’elle avait déjà en partie exploré en 2019 dans son album de musiques américaines Long time ago. La petite Salle Marguerite, inaugurée en novembre, participe à l’instauration d’une ambiance détendue, presque familiale, propice à l’épanouissement de ces mélodies et ces chansons inspirées des « cafés-concerts ».
Adèle Charvet est accompagnée au piano par Antoine Palloc – vêtu d’un smoking blanc pour l’occasion. Son jeu s’accorde en belle intelligence avec la chanteuse et il occupe, de même que la voix, l’espace scénique et la salle d’une manière souple, vigoureuse et imagée, gagnant une véritable présence dans certains airs comme The desire for hermitage de Barber. Il partage par ailleurs une joyeuse connivence avec Adèle Charvet, tous deux se prenant dans les bras à la fin du concert et lui n’hésitant pas à lui faire un baisemain.
Après quelques vocalises audibles depuis les coulisses, Adèle Charvet entre sur scène avec un énergique Tell me the truth about love de Britten. La voix est vibrante, dotée d’un timbre chaud et variée d’une impressionnante palette de nuances que la petite salle met particulièrement en valeur, emmitouflant confortablement le public dans des couleurs passant de l’été à l’automne, dues à un mezzo aux graves riches et profonds et aux aigus ronds et fleuris. Aisance et souplesse sont au rendez-vous, en particulier dans les airs anglais et américains qu’elle chante avec un naturel déconcertant, appuyée nonchalamment contre le piano ou, emportée par la musique, jouant plaisamment – ou surjouant un peu trop – les textes qu’elle interprète. Son Je te veux de Satie est par ailleurs empreint d’une agréable grâce, de même que son « Nocturne » de Barber (Four Songs) et le sonore Je ne t’aime pas de Kurt Weill. « Je nommerai ton front » des Miroirs brûlants (Poulenc) est plus difficile à cause de la vélocité du rythme et la langue française, dû à la profusion de la voix, n’est pas toujours compréhensible. Par contre, l’attention au détail en ce qui concerne l’anglais balade le chant d’Adèle Charvet d’une prononciation classique à un accent américain particulièrement trainant.
En bis, trois airs dont une « première mondiale », comme explique en riant Antoine Palloc, narrant être tombé sur un poème de Jean Pellerin La grosse dame chante… et rêvant depuis de le voir composé. C’est chose faite grâce à Isabelle Aboulker, et le public d'éclater de rire dès les premiers mots : « Manger le pianiste ? » … S’ensuivent un mélancolique Les Chemins de l’amour, touchant et pénétrant, et une reprise d'Amor de Bolcom, déjà chanté plus tôt – « Je crois qu’il vous a bien plu », sourit la chanteuse.
Et en effet, cet air comme, de façon générale, cette soirée musicale, ravissent les spectateurs, qui remercient les deux artistes de généreux applaudissements. Il faut ensuite redescendre les marches depuis le cinquième étage de la Salle Gaveau et enfin, s’en retourner dehors dans une nuit à peine tombée, encore propice au souvenir du parcours de ces amours joyeuses, indolentes, fières, malheureuses et mélancoliques.