Soirée Caliente à Toulouse pour la seconde distribution du Barbier de Séville
Une mise en scène aussi foisonnante gagne à être revue (notre compte-rendu de la 1ère la veille) pour en remarquer tous les détails, saynètes à l’arrière-plan, gestuelle burlesque des choristes déguisés en soldats dans le finale du premier acte. La direction d’orchestre d’Attilio Cremonesi est toujours aussi énergique. L’Orchestre en petit effectif propose de riches couleurs et de belles nuances, tout particulièrement le pupitre des bois. Le Chœur du Capitole, préparé par Gabriel Bourgoin, est toujours aussi précis dans ses interventions et homogène comme un seul personnage. Les déplacements des figurants ont été reproduits quasiment à l’identique, laissant deviner une direction d’acteurs millimétrée.
En revanche, les différences sont frappantes entre les deux distributions, ce qui influe sur le caractère des personnages. Petr Nekoranec délaisse la fougue du personnage, mais la candeur de sa voix mozartienne s’accorde avec le rôle d’Almaviva. Un peu fragile au début sur ses aigus, il déploie un médium satiné, élégant. Les vocalises sont précises et il ajoute des ornements, couvrant ses notes hautes qui flirtent avec la voix de tête. Sage et sentimental, son personnage rappelle les jeunes premiers de la Commedia dell’arte, ce qui crée une association efficace avec le Figaro espiègle de Vincenzo Taormina. Vocalement moins à l'aise que Florian Sempey, son timbre de baryton est un peu mat, ses aigus attaqués avec un appui paraissent tendus, les graves sont étouffés. Il convainc davantage par sa tenue de souffle, sa scansion burlesque et son jeu comique.
Adèle Charvet prête à Rosina sa voix ronde et ses graves ombreux. Les aigus lui semblent moins faciles et font entendre une cassure sur l’attaque dans la première aria. Cependant, son timbre gagne en netteté et en homogénéité. Elle vocalise par ailleurs avec souplesse grâce à un diaphragme élastique.
Il lui faut tenir tête au Bartolo de Yuri Kissin, ce dernier affirmant avec autorité sa voix de (baryton-)basse au grain corsé. Son aria « A un dottor della mia sorte » est chantée avec une hargne orageuse, soulignée par les violons, et il s’acquitte sans difficulté du redoutable passage rapide. À ses côtés, Julien Véronèse incarne un Basilio flegmatique. Sa voix de (baryton-)basse est assez claire, tout en gardant une rondeur sonore dans le grave. Il manque un peu de souffle sur les longs phrasés de son grand air La Calunnia mais en revanche, ses aigus sont nets sur l’ensemble au second acte (entamé sur un tempo un peu plus rapide que la veille).
Tous les autres rôles sont chantés par les mêmes interprètes, mais Edwin Fardini, plus en voix qu'à la première, campe désormais un Fiorello décidé. Il sait doser et amplifier son timbre sur les notes tenues et parvient sans effort à se faire entendre au sein du chœur de voix masculines. Andreea Soare confirme sa prise en main du rôle de Berta, auquel elle confère le brillant de son soprano léger. Elle transforme son « air de sorbet » (solos chantés par des personnages secondaires dans l’opéra rossinien) en numéro de vocalises émaillé d’aigus éclatants. Bruno Vincent montre la même prestance qu’à la première en chef de la garde, intervenant d’une voix un peu sèche mais puissante. Enfin, les maladresses d’Ambrogio joué par Frank Berg font toujours autant rire le public.
Dans la chaleur de cette soirée toulousaine, où bien des spectateurs et spectatrices se servent de leurs programmes pour s’éventer, le même enthousiasme accueille cette seconde distribution, plus burlesque et un peu moins portée sur le « beau chant » que la première, mais aussi pour un barbier de qualité.